Une commission d'enquête n'est pas un spectacle. D'accord. Un interrogatoire n'est pas non plus une exécution. Je veux bien.

Mais quand on se souvient du ton agressif avec lequel on a accueilli l'ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, on est bien obligé de constater que Nathalie Normandeau a été traitée tout en douceur... Et très rapidement. Même pas une journée entière !

Vous souvenez-vous des deux interminables semaines consacrées au « Rambo » de la Côte-Nord ?

On est maintenant loin du ton cinglant de l'ancien procureur Denis Gallant...

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Pourtant, les explications de l'ancienne ministre des Affaires municipales sont difficiles à accepter.

Elle sait que Marc-Yvan Côté est impliqué dans le financement de sa circonscription. Que son chef de cabinet Bruno Lortie est un proche de M. Côté. Que M. Côté a avoué publiquement (à la commission Gomery) avoir transporté 120 000 $ d'argent comptant pour le compte du Parti libéral du Canada, un acte illégal qui lui a valu le bannissement du PLC...

Mais elle ne savait pas s'il avait fait quelque chose de mal au PLQ, voyez-vous, alors elle l'a laissé rôder autour de son personnel.

Mesdames et messieurs, quand le Parti libéral du Canada a des normes éthiques plus élevées que vous, c'est le moment de consulter...

Côté, ancien ministre libéral et responsable du « développement des affaires » chez Roche, est un financier politique archiconnu. Sa réputation est sulfureuse. Comment croire que la ministre, une des vedettes des cocktails de financement du PLQ, n'était pas au courant des jeux d'influence autour d'elle ?

L'ancienne ministre a défendu le pouvoir discrétionnaire des politiques - avec raison : un ministre peut dire non aux fonctionnaires. Il est vrai qu'elle l'a exercé dans moins de 5 % des dossiers, pour imposer des augmentations de subventions pour divers projets municipaux. Mais 1) d'autres ministres n'ont jamais fait ça... et 2) ce sont surtout des projets de Roche et BPR qui ont été l'objet de ces interventions.

Il semble assez évident que les gens de Roche avaient leurs entrées au cabinet de la ministre, grâce aux bons soins du chef de cabinet. Cela leur donnait accès à des informations confidentielles.

La ministre s'est montrée choquée d'une telle possibilité : si c'est le cas, on aurait « trahi [sa] confiance ».

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On n'a bien sûr entendu aucune preuve nous indiquant que la ministre « donnait » un contrat en échange d'un don politique. Pour la bonne raison que cette preuve n'existe pas. On est dans le domaine du non-dit, mais la preuve mène dans une seule direction logique : la règle du jeu, c'est que les amis ont droit à des avantages. Elle n'a qu'à autoriser les bons projets. Et n'allez pas penser qu'elle n'y croit pas. Ce sont des projets d'assainissement des eaux, d'usines d'épuration pour des villages sans le sou, elle y croit très, très fort ! Et puis, chez Roche, ils travaillent bien, très bien !

C'est ainsi qu'elle se présente à nous la main sur le coeur, la conscience parfaitement légère, de l'autre côté du « mur éthique » où grouillent les gens d'argent, bien à l'ombre... Loin, loin de tout ça, « au nord de tout' ce qui se passe », comme dirait Vincent Vallières...

Aucun politicien au Québec ayant témoigné à la commission Charbonneau ne semble savoir ce que tout le monde sait sur le financement des partis politiques.

Du moins, la Commission n'a pas réussi à le leur faire dire.

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Il y a tout de même eu ce très bref témoin, Robert Benoit, qui a été président du PLQ de 1985 à 1989. M. Benoit nous a dit que les choses ont radicalement changé quand Jean Charest est arrivé. Marc Bibeau, de Schokbéton, est arrivé lui aussi. L'homme est connu comme le grand responsable du financement et l'homme par qui passaient les nominations libérales. Il a imposé aux futurs députés des objectifs de financement. Benoit, qui était devenu député, a tiré sa révérence. « Oui, mais si tu veux être nommé en quelque part... », lui répond Bibeau. Autrement dit : fais ça pour le parti, c'est le prix d'une future nomination.

Benoit a été estomaqué de voir Charest récolter un demi- million lors d'un seul événement-bénéfice. Le jeu venait de changer...

Verra-t-on Marc Bibeau ?

MacKay et les femmes

Les femmes sont « plus attachées » à leurs enfants, d'après le ministre fédéral de la Justice, et voilà ce qui expliquerait qu'elles sont moins nombreuses à postuler pour être juges, donc qu'elles sont moins nombreuses à être nommées.

Notons ceci pour commencer : 

1. Les hommes aussi ont des enfants.

2. Les avocates vous le diront : leur profession est une des plus hostiles à la conciliation travail-famille, donc à cet égard souvent bien pire que celle de juge.

3. Les juges sont nommés généralement autour de 50 ans, âge où les bébés sont plus rares...

Tout ceci est évidemment de la pure foutaise. C'était une mauvaise excuse avec une apparence de crédibilité dans les années 80. C'est un prétexte pitoyable en 2014. Ça fait 25 ans que les facultés de droit sont majoritairement féminines. Sont-elles devenues plus timides depuis que les conservateurs sont au pouvoir ?

La réalité, c'est que les femmes sont moins nombreuses dans les réseaux politiques qui ouvrent les bonnes portes, en particulier les portes bleues.

Et que les conservateurs... ben... sont conservateurs.