Price, Price, Price... Les nerfs!

En hockey comme en dessin architectural, il est bon de mettre les choses en perspective.

Et pour ça, Ronald, il faut connaître l'Histoire. Ou mon beau-père. Il était là lundi et a eu la délicatesse de ne pas remarquer que j'avais fait trop cuire les asperges du Québec dans les pâtes que j'ai concoctées à la dernière minute - avec un peu de speck, de la roquette, une pointe d'ail... ça met de bonne humeur.

Toujours est-il qu'il nous a rappelé ceci: dans sa glorieuse histoire, le Canadien a déjà perdu son gardien numéro un en plein milieu d'une série «de détail», Ronald. Je ne t'apprends rien, n'est-ce pas?

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Je te ramène au printemps 1950, quand tu n'étais encore qu'un amas d'atomes dispersés dans le grand Rosemont métropolitain. Le Canadien est en demi-finale. Et contre qui? En plein ça: les Rangers!

Le gardien du CH d'alors est une légende vivante: Bill Durnan, six trophées Vézina en sept saisons...

Mais là, rien ne va plus. New York mène la série 3-1. Durnan a été chahuté pendant la saison. On dit que la magie n'opère plus. Tu sais qu'il était ambidextre et s'était fait faire des gants spéciaux pour changer son bâton de main et mystifier le joueur adverse... Gauche, droite, gauche... L'arrêt!

Ça murmure dans les gradins. Ça grenouille entre les murs du vieux Forum. Certains disent qu'il fait une dépression, ce qu'il niera jusqu'à sa mort.

Durnan n'en peut plus. Il va voir le gardien numéro deux, un joli garçon de 5'7 du nom de Gerry McNeil. Il lui cède son bâton au moment le plus critique de la série. Le jeune refuse. Les deux sont en larmes. Finalement McNeil accepte. Durnan ne jouera plus jamais dans la LNH. McNeil finira sa carrière trois ans plus tard avec une fracture de la mâchoire qui permettra à Jacques Plante de le remplacer et d'inventer le masque.

Quoi? Qu'est-il arrivé au Canadien avec ce gardien inconnu en 1950? Ben oui, il a été éliminé. OK. Mais y a pas juste la victoire, dans le hockey. Y a les histoires, aussi.

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Bon. 0-2.

Je te mentirais si je disais que l'éclosion des lilas compense le pessimisme un peu lourd qui recouvre la maisonnée, camarade.

Et voilà que les brandons de la discorde sont allumés.

«Gorges, c'est le temps de le déshabiller!», a dit le beau-père, qui grommelle chaque fois que le 26 touche à la rondelle et plus encore quand il n'y touche pas.

«Quoi? Gorges? C'est un des meilleurs leaders de l'équipe!», a répliqué mon fils, insulté.

«OK, s'il est bon dans le vestiaire, qu'ils l'enferment dedans et qu'on jette la clé!»

Il a ajouté plus tard, en voyant Pacioretty rater le but avec son revers, que «Maurice Richard n'aurait jamais manqué ça», avant d'accuser les bâtons trop recourbés qui cassent tout le temps et le déclin catastrophique des tirs du revers dans le hockey moderne.

Pendant ce temps, Michel Therrien a répété la Théorie du Break. Pour gagner, «il faut un break», dit-il. Comprends-tu ça, toi? Il faut une occasion, une erreur de l'autre, un hasard, une pénalité chanceuse? Je croyais que c'était une question d'émotion et de travail acharné.

Je suis mêlé, Ronald. J'ai besoin d'un break, peut-être.