Vous vous souviendrez peut-être du «Doc EPO», alias Maurice Duquette. L'orthopédiste a été le fournisseur de substances dopantes pour la cycliste Geneviève Jeanson et a été radié un an de la profession médicale.

Voici qu'il a connu de nouveaux ennuis avec le Collège des médecins, cette fois pour divers actes de négligence. On lui reproche d'avoir trop tardé à remplir le «protocole opératoire» après des interventions chirurgicales au genou, notamment.

Le médecin avait pourtant été averti et s'était engagé à corriger la situation... Ce qu'il n'a pas fait. Ces protocoles sont indispensables pour le suivi des patients, et le Collège des médecins ne lésine pas sur le sujet. Surtout chez un récidiviste.

«Les délais inacceptables et le nombre élevé de contraventions» justifient une radiation de 18 mois et une amende de 25 000$, avait plaidé l'avocat du syndic du Collège, la police déontologique de la profession.

Jusqu'ici, ce n'est qu'une autre triste cause devant le Conseil de discipline des médecins...

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Le hasard a toutefois voulu que le Dr Duquette rencontre au conseil de discipline la championne toutes catégories du retard à rendre ses décisions.

Diane Larose, avocate de profession, est en effet connue dans tout le réseau des ordres professionnels comme une sorte de trou noir décisionnel. Les causes entrent dans son sous-sol... et semblent disparaître.

Me Larose a été nommée par les libéraux en 2007 à la présidence de conseils de discipline de plusieurs ordres professionnels. Son mandat a pris fin en 2012. Partout, elle a créé des délais épouvantables. J'ai écrit à son sujet en février 2013. Elle avait entre 50 et 100 causes en retard même si elle ne siégeait plus depuis un an. Certaines traînaient depuis trois, quatre, cinq ans!

On aurait pu croire que l'exposition publique de son «cas» aurait réglé le problème. Eh non!

Il y a deux semaines, mon collègue Philippe Teisceira-Lessard a rapporté qu'elle a encore une cinquantaine de dossiers à rendre. Donc, dans le meilleur des cas, des dossiers entendus il y a plus de deux ans...

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Le 12 mai, le conseil qu'elle présidait a radié le Dr Duquette pour quatre mois.

Le comique de l'affaire est que le Dr Duquette a déposé une requête pour délai déraisonnable dans son dossier... en 2011!

En effet, il a fallu deux ans, entre la fin de son «procès» disciplinaire en 2009 et la décision le déclarant coupable, en mars 2011. Le Code des professions prévoit que la décision doit être rendue... dans les 90 jours. Il ne pouvait pas imaginer qu'il faudrait trois autres années pour connaître la sanction que la justice des médecins lui réservait!

Dans sa décision du 12 mai, la présidente Diane Larose discute longuement et le plus sérieusement du monde de l'opportunité de réduire la sanction du médecin à cause du délai qu'elle-même a mis à le déclarer coupable... il y a trois ans. Comme si rien ne s'était passé depuis. Comme si ce n'était pas de sa propre négligence qu'il était question.

Elle en vient à la conclusion que le médecin n'a pas démontré de préjudice particulier. En conséquence, elle ne lui accorde aucun «rabais». Elle n'accorde aucun rabais officiellement, mais... lui inflige le cinquième de ce que recommandait le syndic.

Suave, avouez.

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On comprend que cette femme qui juge les professionnels est elle-même une grave délinquante déontologique - il ne semble pas qu'elle soit malade. N'importe quel système le moindrement intelligent permettrait de la destituer. Si on peut le faire pour un juge, on devrait pouvoir le faire pour un président de conseil de discipline...

Eh bien jusqu'ici, ce n'était pas possible. La loi ne prévoyait aucun mécanisme de surveillance.

Elle jouit de l'immunité totale en tant que membre d'un conseil de discipline pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions. Les décideurs, on le comprend, doivent en effet être à l'abri de poursuites de professionnels ou de citoyens mécontents.

À cause de cela, le Barreau s'estime incapable de la traîner devant son propre comité de discipline pour (par exemple) manquement à l'honneur de la profession - une infraction assez large pour avoir permis d'accuser un avocat ayant uriné sur la voie publique.

Le gouvernement péquiste a fait adopter l'an dernier une réforme qui permet: 1) de choisir des décideurs compétents et 2) de traîner devant un conseil de justice les décideurs délinquants.

En attendant qu'elle entre en vigueur, au rythme où Diane Larose égrène ses décisions, même dans des cas archi-simples, on en a pour des années.

Des années où les plaintes ne trouvent pas de conclusion. Où des incompétents continuent à exercer. Où des gens ne savent pas ce qui les attend. Et où le Tribunal des professions sera inondé de requêtes pour atténuer les sanctions pour cause de délais ridiculement longs.

Des années de comédie disciplinaire.