Si la moitié des plongeurs faisaient un «flat» en finale, on leur dirait probablement de reprendre leur Speedo et d'aller s'entraîner encore quelques années avant de revenir aux Jeux olympiques.

C'est peut-être ce que le Comité international olympique devrait dire aux gens du slopestyle.

Pour leur dernière ronde, 7 des 12 finalistes ont obtenu une note sous les 40% (dont 3 sous les 30%). Ça tombait, beding, bedang, ça faisait peine à voir.

Il s'agit de la crème de la compétition, ici.

Je ne parle même pas de toutes les autres chutes en qualifications, dont celles, dramatiques, de la favorite, la Montréalaise Kaya Turski. Déjà embêtée par un virus, elle a fait une chute à sa première descente de qualification, s'est disloqué une épaule, l'a replacée elle-même et est tombée de nouveau dans la deuxième descente. On aurait pu croire à un triplé canadien sinon.

Je parle ici de celles qui ont passé la qualif. Les 12 meilleures sont là.

Eh bien, selon les propres critères de ce sport, les juges de slopestyle ont dit à 7 des 12 participantes de la finale que leur deuxième descente ne passait pas la rampe. Et de beaucoup.

Ouch.

C'est plate à dire, tout ça est encore un peu trop foireux. L'entrée aux JO a l'air prématurée.

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En guise de comparaison, aux bosses masculines, la veille, les six finalistes ont eu une note variant de 73,9 à 87,7%. En ronde précédente, à 12, un seul n'a pas terminé le parcours, un autre a obtenu 44,9% et les 10 autres, 66,8% ou plus.

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Les conditions de neige étaient très pénibles, c'est un fait: gros sel fondant, pente creusée par les atterrissages.

Ça dit tout le mérite de Dara Howell, médaillée d'or canadienne, qui a fait le parcours de sa vie et obtenu 94%. «La meilleure performance féminine de tous les temps», a même dit Peter Judge, chef d'équipe canadien.

Et que dire de Kim Lamarre, cette fille de Lac-Beauport, petite-fille de la skieuse alpine Ginette Séguin (18e au slalom et meilleure Nord-Américaine aux JO de Cortina d'Ampezzo, en 1956)?

Lamarre, une des meilleures de la discipline, a été carrément jetée de l'équipe canadienne l'automne dernier, après une saison ratée pour cause de blessure.

- Comment ça marche pour se qualifier comme indépendante?

- Commence par recommencer à skier, pense pas aux Jeux olympiques, lui a-t-on répondu.

La fille a mis sur pied un site pour financer son entraînement. Et elle s'est qualifiée.

Alors hier, cette médaille avait le goût du miel. Nulle amertume dans ses propos. Que la joie de l'effort récompensé. Elle s'attendait à être exclue de l'équipe vu sa blessure et, dans les circonstances, n'y voyait pas d'injustice.

Sa première descente en finale a été désastreuse, mais on ne retient que la meilleure des deux.

«Je me suis dit: "Land ta run!" J'ai regardé le Ciel et j'ai dit: "Sarah, aide-moi!"»

La Canadienne Sarah Burke était la meilleure de la discipline. Elle est morte après un accident de ski, en 2012.

Kim nous a expliqué comment elle a fait un «Disaster 270», un «Flat 3 Japan» et, pour finir, un «Zero spin safety». Ça lui a valu le bronze.

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D'après nos médaillées, quelle impression va laisser cette finale un peu chaotique?

«Les gens vont voir que c'est un sport formidable, a dit Dara. Les chutes font partie du sport et les conditions étaient difficiles.

«On s'entraîne très fort, on fait du gym, ne pensez pas qu'on ne fait que chiller entre deux descentes!», a dit Kim.

En même temps, ce sport n'est pas «formaté» et refuse de l'être. «C'est ça que j'aime: tu as la liberté de faire ce que tu as dans la tête, tu n'es pas obligé de faire certains sauts.»

Ce qui paraît échevelé n'est en fait que l'expression même de l'essence de ce sport qui veut faire éclater les contraintes.

L'esprit, vraiment, est différent ici. En apparence du moins. On voit les filles arriver après une chute, elles retrouvent le sourire, elles se saluent, toutes nationalités confondues.

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Ses parents n'étaient pas là, mais le père de Kim, «un casse-cou qui fait du motocross», adore le slopestyle... «Tandis que ma mère est incapable de regarder ça. Mais là, je lui ai dit: "T'es ben mieux de l'écouter!"»

«Si on a peur? Ça fait partie du sport. On est faites tough

Pour ça, il n'y a aucun doute...

Elle va te dire quoi, ta grand-mère?

«Gigi [grand sourire]? Elle va me dire une niaiserie, elle me dit toujours une niaiserie pour me faire rire. Si je suis ici, c'est en bonne partie grâce à elle. J'aimais ça, me promener avec ses vêtements olympiques quand j'étais petite. J'en rapporte des nouveaux!»

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Me voilà bien embêté pour conclure, ces filles-là sont archisympathiques. Oh, et puis je crois que je ne ferai pas de chute à mon texte.

Y en a eu assez aujourd'hui.