Un tunnel, deux tunnels, trois tunnels...

Dans l'autobus en route pour la station de ski de fond, j'ai pris la mesure des travaux titanesques entrepris pour donner à la Russie une vraie station de sports d'hiver.

Un train électrique dernier cri sur 50 km. La rivière Mzymta, qui prend sa source dans les montagnes du Caucase et qui va se jeter dans la mer Noire, a été tassée et bétonnée. Des installations électriques ont été plantées là. La route toute neuve qui perce la montagne, en plein milieu d'une réserve naturelle...

Voici Krasnaïa Polyana, sorte de Mont-Tremblant pas encore terminé. Je veux dire une imitation d'hôtels campagnards vaguement autrichiens.

De là partent toute une série de téléphériques à faire brailler les propriétaires de stations de ski du Québec pour vous mener aux différents sites.

***

«C'est quand même épouvantable, ce qu'ils ont détruit comme nature!», me dit un collègue.

Il n'a pas tort. Faudrait pas que Roy Dupuis voie ça.

Mais les Européens et Nord-Américains sont-ils les seuls à avoir le droit de raser des forêts pour les sports d'hiver?

Quand on a construit les grandes stations françaises, suisses, autrichiennes, allemandes ou italiennes, on a laissé des marques, non?

Ah, c'était il y a 100 ou 75 ou 50 ans, j'en conviens. On construit encore, néanmoins, pour satisfaire les touristes, pour améliorer «l'offre touristique».

Ben... les Russes aussi.

Quoi, eux auraient perdu le droit de développer une station de montagne parce que le pays était trop pauvre pour le faire quand le mot écologie n'existait pas?

Dans tout le Caucase russe, qui est tout de même gigantesque, il n'y a rien de tel. C'est clairement une cicatrice dans la nature, mais est-elle si répréhensible? Peut-on appliquer des critères de pays riches déjà pourvus de stations d'hiver?

Ça me semble un peu trop facile. Il y a comme une condescendance dans ce jugement médiatique occidental unanime.

Quoi, je serais en train d'accepter des critères environnementaux plus bas pour un pays... disons émergent?

Un peu, peut-être. Je suis surtout en train de dire que ce n'est jamais très beau, une forêt qu'on abat pour faire du développement. Une rivière qu'on détourne. Ou du béton en bord de mer, tout frais posé.

Comment tout cela sera-t-il dans un ou cinq ans? Je n'en ai aucune idée. S'ils commençaient par nettoyer les bords de route et faire pousser de la verdure, ça ferait moins mal au coeur.

C'est peut-être fou, tout ça. C'est fou, aussi, de construire des pistes de luge, des sauts à ski, des pistes de bobsleigh tous les quatre ans.

Le modèle étatique du développement ici est assez douteux. Je ne sais pas qui va occuper tous ces hôtels.

Sauf que l'idée d'une station de ski à 45 minutes d'un bord de mer, ce n'est pas si absurde que ça.

Et l'idée d'une station de ski majeure en Russie, ce n'est pas du tout ridicule.

Y a pas de Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ici, c'est clair. Mais songez seulement au mont Tremblant, en bordure d'un parc national. Est-ce «écologique» ? Pas vraiment.

Il y a des manières de développer plus durablement que d'autres, on est tous d'accord là-dessus. D'un autre côté, des espaces naturels où l'être humain peut s'introduire ont un intérêt également. Qui avait la chance de pénétrer dans cette nature éblouissante?

J'hésiterais donc un peu avant de prononcer la condamnation écologique finale.

Alex Harvey et la théorie russe

Un parcours de ski de fond pour les Russes, disent les spécialistes. On nous explique que les Russes sont moins techniques et plus en puissance. Et que donc un parcours avec des montées brutales, comme celui de la station de Laura, les favorise.

C'est possible. Mais Ivan Babikov, le partenaire canadien d'Alex Harvey, qui est d'origine russe, n'a pas vraiment trouvé ça. «Ça n'allait tout simplement pas, j'ai donné tout ce que j'avais.»

Harvey, lui, était déçu et accusait un seul facteur sans tourner autour du pot: le fartage.

Les skis allaient bien au départ de la course, sur la neige dure... Mais quand le soleil est sorti, ils n'avaient aucune prise dans la neige et il perdait ses efforts.

Ses jambes? Parfaites. La forme? Excellente.

Tant mieux: il lui reste potentiellement cinq épreuves - le sprint par équipe étant celle où il dit avoir le plus d'espoirs.

D'ici là, les farteurs canadiens ont affaire à rajuster la chimie...