Tout le monde veut que les jobs et l'expertise de Dessau survivent à la crise.

Mais on est bien obligé de constater que les dirigeants de cette multinationale du génie-conseil ont couru après!

Je ne parle même pas de la fraude généralisée ni de la violation systématique des lois électorales auxquelles certains membres de la direction étaient participants.

Je parle de ce qu'ils ont fait... depuis qu'ils savent... qu'on va le savoir. Je parle de leur gestion de crise catastrophique.

Depuis six mois, ces gens-là savaient qu'ils allaient passer une sorte de test de pureté pour obtenir leur «autorisation» en vertu de la loi 1.

Ils savaient que l'autorisation peut être refusée si l'entreprise ne satisfait pas «aux exigences élevées d'intégrité auxquelles le public est en droit de s'attendre». Notamment, si un dirigeant «a, de façon répétitive, éludé ou tenté d'éluder l'observation de la loi dans le cours de ses affaires».

Malgré tout, ils ont maintenu en poste comme vice-président Rosaire Sauriol jusqu'à son passage à la commission Charbonneau. Ils savaient pourtant qu'il avouerait une fraude fiscale organisée, des violations massives des règles du financement politique et la collusion entre sociétés.

Pensaient-ils qu'il allait servir de dépositaire unique de toutes les mauvaises actions de l'entreprise? Même dans ce cas, ils auraient dû le faire démissionner bien avant.

Et il a fallu que le président, Jean-Pierre Sauriol, se fasse dire de quitter la société par l'AMF si Dessau voulait avoir la moindre chance d'obtenir son autorisation. Au mois de juin!

Le PDG avait pourtant été nommé par son propre frère, Rosaire, à la Commission, au mois de mars. Rosaire a déclaré que Jean-Pierre était au courant des pratiques illégales.

N'importe quel conseiller un peu clairvoyant pouvait annoncer l'inéluctable conséquence de ces révélations: le président a beau être le fils du cofondateur, il devait partir. Mais il ne l'a fait qu'une fois obligé. On devait annoncer haut et fort une nouvelle administration!

Pendant ce temps, Tony Accurso, accusé, accusé et accusé encore, restructurait toutes ses sociétés. Son cas était plus clair, bien sûr. Mais il n'a pas été pris de court à la dernière minute. On ne l'a pas vu brailler dans les médias pour obtenir la clémence pour les ouvriers honnêtes. Ils le sont tout autant, les siens.

Chez Dessau, pris de panique, on a même offert un job de direction à Jacques Duchesneau! Voyez-vous ça! Le député champion de la lutte contre la corruption qui irait sauver une des firmes les plus compromises dans le système qu'il a dénoncé! Ça tient du délire et de la comédie.

Coincés, les gens de la direction parlent vaguement d'une forme de remboursement de sommes volées au public. Eux qui naguère nous envoyaient des lettres rageuses, qui prétendaient que «jamais au grand jamais», ils n'avaient «cherché à enfreindre quelque loi ou voulu manquer à quelque règle que ce soit» (Jean-Pierre Sauriol, mai 2009).

Et maintenant que les banquiers s'inquiètent, maintenant qu'ils sont sur la liste noire, ils nous supplient, ils supplient le gouvernement: «Sauvez-nous, sauvez-nous!»

On veut bien. Mais on ne peut pas dire qu'ils nous ont beaucoup aidés à les aider!

Comme stratégie de survie, on a rarement vu plus nul.

Sans doute étaient-ils les seuls en ville à ne pas voir le train qui allait leur rouler dessus.

Le travail au noir

La grève dans la construction n'est pas sans rapport avec la corruption, ou à tout le moins la fraude fiscale.

Dans une lettre envoyée à Pauline Marois avant l'adoption de la loi spéciale, l'Association de la construction explique qu'elle veut faire passer les heures supplémentaires de taux double à taux et demi. Elle voulait également éliminer les heures supplémentaires quand le travail est suspendu pour cause d'intempérie.

À l'heure actuelle, si un chantier est fermé pour cause de pluie le mercredi jusqu'au vendredi, les travailleurs seront payés à taux double le samedi, même s'ils n'ont travaillé que 16 heures. Le coût est trop élevé, mais les travailleurs veulent accumuler des heures, et le patron veut parachever les travaux. Alors que se passe-t-il? Souvent, l'entreprise les paie au noir à un taux moindre. C'est une fraude fiscale à peu près systématique. Même chose pour les heures supplémentaires «ordinaires». Elles sont trop chères, alors elles sont souvent payées à taux et demi - plutôt qu'à taux double. Mais au noir. Donc sans impôt ni cotisations diverses.

Officiellement, les ouvriers de la construction ne font que 2% de leurs heures en sup. En vérité, c'est beaucoup plus, mais c'est invisible. Les syndicats le savent très bien, et tout le monde laisse faire ce système frauduleux qui nuit à l'économie et nous prive de rentrées fiscales.

En passant, d'où vient tout ce «cash» qui sert à payer ces heures sup. au noir? D'entreprises spécialisées dans la fausse facturation... qui sont parfois d'excellents recycleurs d'argent sale.

Au total, de l'aveu même de l'Association de la construction, le système encourage le travail au noir.

Joli, non?

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca