On a rouvert la plupart des rues près du site de l'explosion et fermé celle où vivait le petit garçon.

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Depuis lundi, des dizaines de personnes se sont rendues devant la maison de Martin Richard, 8 ans, pour déposer des fleurs, des toutous, des mots, ou dessiner des papillons sur le trottoir. Une veillée à la chandelle a été organisée mardi soir dans un parc de Dorchester, le joli quartier de grands cottages en bardeaux où vit sa famille. Hier, la police a dû fermer la rue, envahie par les dizaines de journalistes et les inconnus venus sympathiser en masse.

On a raconté un peu partout que le petit Martin venait de serrer son père dans ses bras à l'arrivée du marathon quand il est mort. C'est encore plus banal et bostonien. Le père ne courait pas. Toute la famille célébrait le printemps en allant voir l'arrivée du marathon.

Les cinq venaient d'aller chercher une crème glacée. Ils encourageaient les coureurs à bout de forces. Bill, le père, s'étirait le cou pour voir s'il n'en reconnaîtrait pas un. La bombe a sauté. Martin est mort sur le coup. Sa mère et sa soeur ont reçu des éclats plein les jambes et sont «gravement blessées».

«No more hurting people; peace», dit une affiche collée hier sur la barrière de sécurité qui interdit l'accès à la ligne d'arrivée, deux jours plus tard.

Au loin, on voyait, hier encore, des techniciens en scène de crime en uniforme blanc chercher de minuscules indices et les numéroter.

Ces mots, c'est Martin Richard qui les a tracés sur une affiche l'an dernier, à l'occasion d'une «marche pour la paix» organisée par son école. Une photo de l'enfant avec son affiche avait été prise à l'occasion, et une mère l'a diffusée lundi sur Facebook. Ils sont repris comme un slogan.

Ce visage, ces grands yeux, le signe «peace and love», ces mots écrits maladroitement et sans trop y penser, comme on fait à 7 ans: toute l'innocence perdue d'une ville se résume ici. C'est en même temps une sorte de réponse posthume, comme une prière.

Krystie Campbell, une gérante de restaurant de 29 ans, et Lingzi Lu, une étudiante chinoise de l'Université de Boston, sont mortes également ce jour-là, tout aussi absurdement.

La ville fait le compte de ses blessés et rend hommage à ceux qui les ont soignés, vite et bien.

Une femme de 47 ans, Celeste Corcoran, a perdu les deux jambes dans l'explosion. En se réveillant, rapporte le Boston Globe, elle a dit à sa soeur qu'elle était «désolée» de ne pas l'avoir vue franchir la ligne d'arrivée. La soeur a répondu: «Tu sais quoi? Tu commences ton marathon [de réadaptation], et je vais m'entraîner avec toi.»

Au moins 11 personnes ont perdu un membre et il y avait toujours 70 blessés à l'hôpital hier.

Un des blessés n'a pas eu droit aux mêmes premiers soins que les autres. Le jeune homme, un Saoudien de 20 ans, a reçu des éclats et a pris la fuite. Il a paru louche à un passant qui l'a plaqué sur le sol en attendant que la police vienne l'arrêter. Il a été interrogé pendant des heures à l'hôpital, son appartement a été fouillé et son nom a été diffusé sur Twitter.

Et puis? Rien. Cet homme n'avait de suspect que l'apparence et un accent arabe. Mais à Fox News, il a été «le suspect saoudien détenu» pendant des heures.

Tout le monde ici attend évidemment qu'on identifie le coupable, et CNN n'est pas en reste pour trouver son suspect du jour.

Hier, l'ancienne conseillère de la Maison-Blanche en matière de sécurité intérieure sous Bush fils, Frances Townsend, maintenant experte maison du réseau, a annoncé qu'un suspect était détenu. Elle s'autorisait de sources policières confidentielles.

Un suspect?! Les journalistes et des dizaines de curieux se sont massés devant l'édifice de la Cour fédérale, en attente de la comparution... Qui n'est jamais venue. Ils ont plutôt assisté au spectacle d'avocats et d'employés quittant nerveusement l'édifice après un appel à la bombe.

D'heure en heure, les démentis s'accumulaient honteusement pour CNN: aucune arrestation! Tout ce qui semble à peu près certain, c'est que la police a identifié un suspect photographié sur les lieux du crime. Mais tard en fin de soirée, on n'avait toujours pas tenu la conférence de presse prévue initialement pour... 14 h et repoussée sans cesse.

Sans doute parce qu'il y a très peu à dire sur l'avancée de l'enquête.

Boston verra donc ce matin le président Barack Obama venir prier en ville. Le suspect, lui, court toujours de station en station.

s Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca