La mafia, la mafia, vous parlez de la mafia tout le temps, mais c'est quoi la mafia, d'abord? Hein? Vous parlez de gens qui tuent, de gens qui volent? C'est ça, la mafia? On lit ça dans les journaux. La police parle de ça. C'est tout exagéré, ce qu'ils disent, les journaux, la police... Comment croire ça? Surtout dans le temps, on se ramène tout de même à 2005... On était jeunes et insouciants.

Non, moi, je sais pas. Vraiment. Moi, madame, je travaille des 60, 70 heures par semaine...

Comment? Nick Rizzuto? Oui, oui, c'est un ami, je le voyais souvent. Un parrain? Non, sérieux? Je sais, c'est ce qu'ils disent dans le journal. Mais moi, je sais pas. Je savais pas. Je vous dis pas que c'est pas vrai, je veux pas être impoli. Je vous dis ce que je sais: c'est un bon père de famille. Un monsieur bien. On prenait un café ensemble. On jouait aux cartes.

Son fils Vito? En prison pour des meurtres à New York? Oui, j'ai lu ça dans le journal. C'est-y pas dommage. Une si belle famille. Mais on parlait pas de ces choses-là.

Jouez-vous aux cartes, madame la commissaire? Si y'a quelque chose de détestable aux cartes, c'est bien quelqu'un qui vient te parler de job ou de tes problèmes. Alors, vous me voyez, moi, pendant une partie de dame de pique: «Pis, Nick, Vito? Il mange bien à la cafétéria du pénitencier?» Tu dis pas non plus à un gars: «Hé, comme ça, t'es le parrain?» Si c'est pas lui, il est insulté. Mais d'un coup c'est lui, tu restes bête...

Non, aux cartes, on parle de cartes. Moi, par exemple, je fais des trottoirs. Venez pas me parler de trottoirs pendant une game de cartes!

Du cash? Ben oui, ben oui. J'apportais de l'argent au Consenza. Mais d'où ça venait, moi, je sais pas. Je savais pas. C'est-tu de mes affaires, ça, moi? Je vais prendre un café là régulièrement, j'achète mes scaloppinis à côté, mes cannolis plus loin, alors j'aurais l'air d'un bel ingrat, moi, si je disais à un collègue: «Non, apporte-le toi-même, ton rouleau de billets!» Oui, je le mets dans mes chaussettes... J'ai pas de soutien-gorge, pas de chapeau, où vous voulez que je mette 20 000$ en rouleau?

***

Mais là... J'écoute votre commission d'enquête... Oh là là, qu'est-ce qu'on apprend? Si ça se trouve, c'est de l'argent sale, c'est ça?

Ayoye. J'aime moins ça, là. Les gens parlent de pots-de-vin, de 2,5%, de 3%, de politiciens corrompus... Et moi, je donnais ça à mes partenaires de cartes... Et vous êtes en train de me dire qu'ils sont dans la mafia? Et la police surveillait tout ça? Merci de m'avoir averti! J'ai l'air de quoi, moi, aujourd'hui? Vous savez comment les gens sont... Vous savez quoi? Il y en a qui vont finir par penser que même moi, je suis dans la mafia! C'est le fun! Hey, ça va faire, les insinuations!

Je vais vous le dire, madame la commissaire: je suis déçu. Une réputation que j'ai mis 45 ans à construire, à travailler comme un fou, et là, je fais une petite erreur et me voilà associé au crime organisé. Si j'avais su! Mais comment savoir? Tu joues aux cartes avec un gars, son fils fait une gaffe aux États-Unis, allez donc blâmer leur père, les enfants écoutent plus, madame la commissaire... Tu prends un café avec lui, il ne va pas te parler de la mafia... Tu commandes un pizzo, euh, excusez, tu collectes une pizza... En tout cas, je n'avais aucune foutue idée de ce qui se tramait. Mais tellement pas!

Naïf? Oui, j'ai été naïf, c'est aujourd'hui que je m'en rends compte... Ça paraît clair maintenant, l'argent comptant, les échanges dans une petite pièce cachée, tous ces gens avec un casier judiciaire... Mais dans le temps, ne riez pas, on n'avait aucune, mais aucune idée! Et ça se passait devant moi, sous mon nez!

J'aime pas ce que je vois et ce que j'entends ici, madame la commissaire. C'est pas beau. On n'est pas là pour parler philosophie, mais je vous avoue que ça donne à réfléchir sur les relations humaines.

Ouais.

Bon, est-ce que je peux y aller, moi, là? J'ai une partie de cartes ce soir.