Si Guy Turcotte était assez fou pour tuer ses enfants une nuit de février 2009, comment peut-il être «guéri» aussi vite?

La question est excellente. Mais ce n'est pas celle qui était posée au Comité d'examen des troubles mentaux.

Les commissaires ne sont pas là pour rendre acceptables des verdicts que les gens jugent révoltants. Ou pour inventer des punitions que la loi ne prévoit pas. Ou pour réparer les pots cassés de la justice. Ni consoler le public.

On leur confie des gens qui ont commis des crimes violents mais qui ont échappé à la responsabilité criminelle pour cause de «troubles mentaux». On leur demande de déterminer si ces gens-là, aujourd'hui, doivent demeurer en institution ou s'ils peuvent retourner dans la société.

Ils voudraient enfermer Turcotte pour toujours, ils ne le pourraient pas. Ils n'infligent pas des peines. Ils évaluent la dangerosité des gens.

Dans le cas de Turcotte, les risques sont étonnamment déclarés «importants» à long terme. Mais pas assez pour le maintenir à Pinel. En vérité, la preuve psychiatrique ne permet pas de soutenir qu'il est dangereux au point de devoir être détenu.

Cette décision était en quelque sorte programmée depuis la dernière, qui lui avait accordé certaines plages de liberté surveillée.

Il n'y avait pas vraiment d'autre possibilité dans l'état actuel de la loi.

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Faut-il alors changer la loi, comme se sont empressés de le répéter quelques conservateurs hier? Faire en sorte que la détention psychiatrique qui suit un tel verdict ait une durée minimale?

Peut-être. Mais prétexter d'un cas extrême pour changer la loi est rarement une bonne idée.

Aussi choquant que puisse paraître ce verdict, il n'a créé aucun effet d'entraînement.

«C'est rendu qu'un meurtrier peut s'en sortir en disant qu'il était déprimé ce jour-là», entend-on dans les «vox pop» à toutes les chaînes et dans tous les médias.

Non.

Les jurés ne souhaitent pas, pas plus que vous et moi, laisser courir les assassins d'enfants ni trouver les excuses aux parents dépressifs. Hier, la Cour suprême a entendu la cause de Cathie Gauthier, condamnée pour le meurtre de ses trois enfants dans le cadre d'un pacte de suicide. D'autres accusés, avec des diagnostics psychiatriques clairs, ont néanmoins été déclarés coupables - on pense à Francis Proulx.

Sauf que depuis 150 ans, la justice occidentale a appris la différence entre un aliéné et un criminel, et refuse d'envoyer en prison des gens qui ne savent pas ce qu'ils font.

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Le cas Turcotte est tout à fait hors normes, justement parce qu'on ne voit jamais un accusé déclaré non responsable avec un diagnostic psychiatrique aussi peu grave.

Les cas de non-responsabilité visent essentiellement des gens qui ont des maladies mentales graves, des pertes de contact totales avec la réalité, qui croient obéir à des êtres surnaturels, qui délirent, qui sont atteints de paranoïa, etc.

Un homme avec des troubles d'adaptation, aussi déprimé soit-il, n'est pas censé se qualifier comme candidat à ce genre de verdict. Turcotte a pourtant réussi à convaincre le jury qu'avec le cocktail de liquide lave-glace qu'il avait ingurgité, il avait atteint cet état où il ne distinguait plus le bien du mal.

Pourtant, il a relaté avec passablement de détails, y compris les meurtres, cette nuit suicidaire où il est censé avoir perdu la carte.

Autant ce verdict est étonnant, donc, autant, logiquement, une fois sous la supervision psychiatrique, un tel individu ne sera pas un cas lourd.

Il ne faut donc pas adresser les critiques à ce comité qui gère la dangerosité, mais plutôt s'interroger sur les raisons de ce verdict. Le combat des experts a manifestement été gagné par la défense. Le témoignage pathétique de ce médecin accusé a dû impressionner le jury aussi. Un jury tellement mis en garde par le juge contre la charge émotive de ce procès qu'on peut se demander s'il n'a pas été artificiellement sélectionné - un jury n'est pas censé être composé uniquement de gens plus blindés aux émotions que la moyenne.

La Cour d'appel examinera la légalité de ce verdict - mais pas avant le printemps. Un des arguments de la poursuite pour faire casser le verdict est qu'on ne peut invoquer son intoxication volontaire pour se soustraire à ses responsabilités criminelles - que ce soit de l'alcool ou une autre substance.

La Cour d'appel manifeste toujours beaucoup de respect devant les verdicts des jurys, et avec raison. Mais il n'est pas du tout impossible qu'un nouveau procès soit ordonné.

On devrait à tout le moins attendre la fin de «l'affaire Turcotte» avant de remettre en question un système de procès par jury qui a rendu de grands services à la justice depuis 1000 ans.

Et même si ce verdict qui ne passe pas et ne passera jamais est confirmé, il faudra le prendre pour ce qu'il est: un cas tout à fait exceptionnel, presque extravagant, qui n'annonce pas du tout la déresponsabilisation des assassins.