Ce qui devait être le grand phénomène des élections, la CAQ, a plutôt l'air d'une sorte d'échec électoral. Ni gouvernement ni opposition officielle, la CAQ a tout de même réussi ceci: installer une troisième voie politique solide à Québec - ou lui permettre de s'exprimer.

Si on se rapporte à l'automne 2011, sans doute François Legault avait-il l'espoir - pas si fou - de former le prochain gouvernement du Québec.

Les libéraux n'avaient pas encore déclenché la commission Charbonneau. Ils semblaient sur le point d'imploser. En même temps, Pauline Marois n'arrivait pas à s'imposer, apparemment. Toujours entre deux crises existentielles, elle venait de se faire larguer par Pierre Curzi, Lisette Lapointe et même son «amie» Louise Beaudoin.

François Legault semblait être celui qui allait ramasser non seulement l'entre-deux, mais des grands bouts de centre droit des deux vieux partis.

Sauf que passer d'un «groupe de réflexion» à un parti politique, c'est passer du projet dessiné sur un bout de papier à sa réalisation forcément chaotique et terriblement humaine.

La CAQ a cessé d'être une nouvelle affaire en commençant par avaler un demi-vieux parti et par piquer quelques politiciens péquistes. Difficile de faire autrement: les «gros noms» viennent généralement à la fin, au moment des élections.

Et ils sont venus: Jacques Duchesneau, Maud Cohen, Gaétan Barrette, Claire Samson, et d'autres, tous des nouveaux venus en politique, se sont déclarés à la dernière minute. On a vu une remontée de la CAQ pendant la campagne, mais jamais d'élan. Était-ce vraiment du changement que les électeurs voulaient, finalement? Ou plutôt, ce nouveau parti n'a pas su se montrer suffisamment crédible pour réaliser ces changements.

On ne peut pas faire le coup du NPD chaque année...

À première vue, les choses ne paraissent pas avoir changé tant que ça. Il y avait déjà sept députés de l'ADQ élus en 2008.

Mais ramenons-nous 10 ans en arrière. Québec solidaire n'était qu'un projet de gauchistes plutôt obscurs. L'ADQ ne semblait pas pouvoir faire quoi que ce soit de significatif à part tenir compagnie à Mario Dumont. Et même quand l'ADQ a formé l'opposition officielle en 2007, elle s'est effondrée aux élections suivantes, semblant confirmer que ce n'était que le parti d'un seul homme.

Aujourd'hui, on se retrouve avec une Assemblée nationale profondément différente. Québec solidaire semble bien installée: il y a une double voix de la gauche (relativement) radicale à Québec. Ça ne s'est jamais vu, et c'est un courant durable, pas un accident de parcours.

Il y a également une «troisième voix» qui prend du galon. La CAQ n'a pas rempli ses promesses, mais dans l'histoire des partis politiques, il y a rarement de victoires instantanées.

Hier, Jean-François Lisée disait qu'au fond, la CAQ était une partie séparée du PQ, et que sans cette création de parti par un ancien ministre péquiste, le PQ aurait la majorité.

Statistiquement, c'est séduisant. Mais pourquoi Legault a-t-il quitté le PQ, et surtout, pourquoi a-t-il attiré quelques fédéralistes ou nationalistes non souverainistes?

Parce que l'option ne fait plus recette comme il l'avait espéré. Ce n'est donc pas un fragment du PQ, c'est un parti profondément différent, qui ressemble beaucoup au projet de Mario Dumont.

François Legault n'a pas réussi à former le gouvernement. Mais il a contribué à changer la donne politique québécoise. On aura l'Assemblée nationale la plus diversifiée que le Québec ait connue.