C'est un peuple qui se dit amateur d'autodérision et d'autocritique féroce. Mais là, ce matin, les Anglais s'aiment un peu plus que d'ordinaire.

Ils se sont trouvés franchement bons et ils ont eu raison. Au plan sportif, d'abord, 65 médailles, dont 29 d'or, c'est inespéré. Le meilleur résultat depuis 1908. La Grande-Bretagne en avait récolté 47, dont 19 d'or, à Pékin.

On a beau chercher, on ne trouve pas la moindre faille sérieuse dans l'organisation de ces Jeux olympiques. Qu'on parle à des collègues ouzbeks, américains, allemands ou chiliens, il n'y a rien de sérieux à redire.

E-rien.

Le transport a été un charme, qu'on ait pris les autobus nolisés ou le train ou le métro. Les contrôles de sécurité prenaient trois minutes au Stade olympique, même les gros soirs. Les soldats, qui ont relevé à deux semaines d'avis la firme de sécurité privée qui devait assurer le contrôle, étaient franchement sympathiques. Tous. Partout. Ou à peu près. Des bénévoles en quantité presque exagérée, avenants, souriants.

Bien sûr, les Français trouvent qu'ils ont mal mangé. Que serait un événement international sans quelques râles français? Ah, si Paris avait obtenu les Jeux au lieu des Anglais en 2005, on aurait mieux mangé. Mais question organisation et bonne humeur, on aurait aimé voir ça...

Aucune controverse olympique. Pas de scandale. Seulement ces sièges vides dans quelques événements, parce que non distribués par des VIP ou des fédérations. Ça s'est réglé en 24 heures et on n'en a plus entendu parler. Au stade, matin et soir, c'était plein et délirant d'enthousiasme, comme à la piscine, comme au bassin d'aviron, comme au cyclisme, etc.. Et comme pour faire exprès, après un printemps pourri, il a fait un temps superbe.

Dans le Guardian, hier, on a révélé un sondage selon lequel les Britanniques appuient massivement les Jeux, malgré leur coût exorbitant.

On les appelle les «feelgood Games». Des Jeux en forme de câlin national, un an après les émeutes qui ont ravagé des quartiers de Londres, et au creux d'une crise économique qui n'en finit plus, et à laquelle se joint une politique d'austérité très lourde.

Le sondeur avait bien avisé les répondants du coût des Jeux (15 milliards) et malgré tout, à 55%, ils ont dit que «les Jeux sèment la bonne humeur dans le pays pendant une période difficile et valent bien leur coût». Seulement 35% se sont dits d'accord au contraire pour dire que «les Jeux sont une distraction coûteuse des problèmes économiques sérieux».

La bonne humeur règne, donc, et les succès de Wiggins, Ennis, Mo Farah, Hoy, etc. y sont pour beaucoup.

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Commence ce matin une fin de party où les triomphes ne seront plus à l'ordre du jour et où il faudra faire les comptes.

Les commerçants et l'industrie du tourisme, plutôt que de profiter des Jeux, en ont souffert considérablement. On le voit partout en ville: les restaurants sont peu achalandés. L'association des hôtels déclare une baisse de réservations pour tout le pays de l'ordre de 50% pour le trimestre actuel. La théorie de la retombée des Jeux ne tient plus la route.

Cela avec des finances publiques dans un état catastrophique.

Hier à la BBC, le premier ministre David Cameron, qui a promis un financement de 200 millions par année pour le sport, parlait avec emphase de l'héritage social et sportif des Jeux. C'est le thème officiel: inspirer une génération. La journaliste lui rappelait le nombre effarant de cours d'école et d'installations sportives qui ont été vendues en Grande-Bretagne.

Est-ce ainsi qu'on va faire bouger cette génération qu'on veut inspirer? Sauf le vélo et la course à pied, on n'observe aucun attrait nouveau pour les sports au Royaume-Uni. Sebastian Coe, président du comité organisateur et ancien champion de 800 m, déplorait que les enfants d'aujourd'hui risquent d'être moins en forme que leurs parents.

Pas grave, dirait-on. En attendant les retombées économiques illusoires et la promesse d'un élan sportif tout aussi douteux, les Britanniques ne boudent pas leur plaisir. Ils ont adoré leurs Jeux. Le monde entier a l'air d'accord. Ils vont en profiter pour s'aimer encore un peu, on dirait.

Photo: Bernard Brault, La Presse