Le boui-boui italien dans la ruelle Woburn affiche en gros «rabais de 10 %». J'entre et le patron est trop content de servir un rare client. Mais je ne viens que pour une question. Pourquoi un rabais en pleine saison touristique?

«À cause des Jeux olympiques. On nous a promis des touristes par milliers, mais je suis à -20 % par rapport à 2011, peut-être pire. J'essaie d'attirer du monde...»

Bière gratuite avec le menu du jour chez le Japonais dans Bloomsbury, salle vide chez le Chinois près de Russell Square, les «locaux» qui se font rare chez le vendeur de kebabs à King's Cross... Allez partout, ils vous disent tous la même chose: si ces foutus Jeux peuvent finir!

La BBC rapportait une baisse du trafic dans Londres d'au moins 20 % par rapport à 2011 - ça au moment où la ville est assiégée de voitures et de navettes officielles des JO, qui passent presque toutes par le centre de la ville.

Un reporter devant un hôtel chic de Kensington rapportait que les chambres ordinairement vendues à 500 livres étaient en ce moment soldées à... 100 livres (160 $)!

On va au Tate Modern, qui présente la première et hallucinante rétrospective Damien Hirst, un immense événement culturel. Il y a du monde. Mais pas tant que ça. On va au British Museum un samedi avant d'aller au stade. Ça ne se bouscule pas du tout devant les frises du Parthénon et l'exposition sur le Londres de Shakespeare. P'tit jeudi.

«On nous a interdit de prendre les vacances pendant les Jeux, maintenant on nous force à les prendre, il manque de clients!», dit un serveur au pub du coin.

Non, vraiment, si vous voulez visiter Londres, mais éviter la cohue touristique et profiter d'aubaines, dépêchez-vous, les Jeux achèvent!

Il se passe exactement le contraire de ce que disent encore les affiches dans le métro: Attention, il y aura un million de personnes de plus en ville cet été!

On dirait qu'il y en a un million de moins. Les gens de Londres sont manifestement allés voir ailleurs si le soleil existe encore, ou se sont vissés à leur sofa. Plusieurs entreprises ont autorisé le télétravail.

Ce qui revient à poser la question: quelle est la valeur économique des Jeux olympiques? Quelles sont les réelles retombées?

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Il y avait quelque chose de ridicule à voir le premier ministre David Cameron dire aux gens d'affaires du monde, le jour de l'ouverture des JO, que «Great Britain is open for business!» Comme si c'était la Corée du Nord. Quelle nouvelle, on peut investir en Angleterre? Il aurait pu envoyer un message pour moins cher.

Quand on analyse le moindrement les chiffres, la conclusion est assez évidente: les Jeux olympiques sont bons pour le moral national, mais ruineux sur le plan économique.

Londres n'est pas Albertville: c'est déjà la ville la plus visitée en Europe. Elle n'a vraiment pas besoin d'un plan de relations publiques récréotouristique ou de cartes postales de luxe à envoyer à la Terre entière. La Terre est bien au courant, c'est une ville formidable et un centre financier majeur.

On vous dira que cela permet de rénover des infrastructures de transport. Nouveau train. Rues asphaltées de frais. Équipements de sport pour la jeunesse. On dit tout le temps ça, on a dit ça à Montréal aussi.

On vous dira qu'on en profite pour retaper un secteur de la ville plus ou moins délaissé.

Sans doute. C'est vrai. Mais tout ça a coûté 15 milliardsde dollars d'argent public, au moment où le Royaume-Uni croule sous les dettes. On aurait pu accomplir les mêmes réalisations urbaines sans payer en plus toutes sortes d'installations dont l'utilisation future est bien incertaine (l'exemple classique étant le vélodrome, à Londres comme à Montréal).

C'est vrai, on a utilisé plusieurs installations déjà existantes, de Wimbledon au bassin d'Eton Dorney. Et les plans de recyclage pour le reste sont presque réalistes.

Mais la théorie des «retombées économiques» ne tient plus la route. Quand on ajoute les coûts délirants de la sécurité, la question se pose plus que jamais: qui a vraiment les moyens d'organiser des Jeux olympiques?

Les pays occidentaux ne nous disent-ils pas qu'ils sont tous plus ou moins en faillite?

C'est tout le modèle économique des Jeux olympiques qui est à revoir, si on ne veut pas qu'ils s'écroulent sous leur propre poids.

Photo: AFP

Les touristes manquent à l'appel durant les Jeux de Londres, déplorent certains commerçants.