Ce sera le marathon le plus spectaculaire de l'histoire olympique, en tout cas le plus télévisuel. Mais à la place des athlètes, je traînerais une petite carte dans ma poche, au cas où.

Avec l'entraîneur Dorys Langlois, j'ai fait hier midi une boucle de ce parcours tout à fait unique. Une boucle d'environ 12 km. Car ce marathon sera couru en rond: trois grandes boucles et une petite.

Et ça vire, madame. Ça vire tellement qu'on a raté quelques virages.

Je rappelle également qu'aux Jeux de 1908, ici même, le meneur Dorando Pietri a tourné à gauche au lieu d'aller à droite dans le stade, a repris la bonne direction, s'est écroulé cinq fois, a été escorté au fil d'arrivée par deux arbitres compatissants... et disqualifié ensuite pour n'avoir pas fini sans aide.

La prudence s'impose.

Pour une rare fois, le marathon olympique ne se terminera pas dans le stade, mais plutôt sur le Mall, devant Buckingham Palace.

Tous les sites olympiques de Londres ont été soigneusement choisis pour montrer le plus beau de la ville et des environs. Le marathon semble dessiné carrément par le ministère du Tourisme. Cathédrale Saint-Paul, tour de Londres, Big Ben, abbaye de Westminster...

Les gens de l'est de Londres l'ont très mal pris. Incident politique majeur en 2010. Quoi, vous avez honte de montrer le Londres multiculturel et pas super chic des environs du stade? Vous nous aviez pourtant vendu des Jeux qui serviraient à revitaliser le quartier, à le faire aimer...

L'avantage est de taille: jamais marathon n'aura donné un aussi bon show, à la télé comme en ville, où les spectateurs pourront voir passer les coureurs plusieurs fois.

Le désavantage: ces virages en enfilade. En tout, 110!

Après le Mall, le parcours se dirige rapidement le long de la Tamise sur environ 1500 m, pour ensuite serpenter autour de Saint-Paul.

«Ça ne les ralentira pas tant que ça, la plupart des athlètes viennent du cross country, ils savent prendre des virages en vitesse, pense Dorys Langlois (un coureur de 2h20 dans le temps). Mais s'il y a une échappée, ils n'auront plus le coureur dans leur mire, ça peut avoir un impact tactique important.»

Quoi d'autre? C'est un parcours assez plat, donc «facile», juste quelques petites montées pour se désennuyer les jambes. Tout le monde dit qu'il sera lent. Ce n'est pas l'avis de mon expert: on annonce autour de 20, quelques nuages. Plat et frais, quoi de mieux?

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Le marathon, en vérité, n'a de grec que le nom. On pourrait presque dire que c'est une invention anglaise.

Les Grecs anciens ne couraient pas sur cette distance exagérée aux Olympiades. L'histoire d'un soldat mort après avoir couru de Marathon à Athènes (Philippidès) pour annoncer une victoire militaire est une légende popularisée par un poète anglais du XIXe siècle. De ce poème est née l'idée d'un savant français de créer une course appelée «marathon», que Coubertin a trouvée fabuleuse.

Aux Jeux de 1896, on a donc parcouru à la course la distance entre les deux villes: 40 km. Même chose à peu près en 1900 et 1904. En 1908, on avait mesuré 40 km entre Eton et le stade olympique. Le roi voulait cependant que le départ soit donné devant la terrasse du château de Windsor, pour que ses enfants y assistent, ce qui a allongé le parcours. Il a aussi voulu que l'arrivée soit devant la loge royale dans le stade, pour y assister.

Il aurait pu acheter des billets à ses enfants, je sais, c'est un peu mesquin.

Mais à la fin, la distance totale faisait 42,195 km (encore qu'un maniaque est allé mesurer la distance exacte récemment pour dire qu'il manque quelques centaines de mètres). Après des années de flottement, en 1921, on a décrété que tous les marathons auraient exactement cette distance royale, qui n'est pas grecque pour deux pennies.

C'est donc une distance arbitraire fondée sur une histoire qui n'est pas arrivée.

Aux Jeux de 1948, le départ et l'arrivée ont eu lieu dans le stade de Wembley - une autre fin dramatique où le coureur belge Étienne Gailly, en avance, s'est effondré juste avant l'arrivée.

Heureusement pour lui, tout le monde l'a laissé sécher sur la piste comme un vaurien. Il a réussi à crapahuter jusqu'à l'arrivée après avoir été doublé par deux autres.

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Dorys et moi avons scrupuleusement suivi le parcours (plus des détours), ce qui supposait le contournement d'une horde de touristes devant Big Ben. La boucle se termine dans l'allée ombragée qui longe le parc St.James sur un kilomètre, on vire devant le palais pour aller finir triomphalement sur le Mall.

La reine n'a pas fait allonger le parcours cette fois-ci, mais avec une bonne paire de jumelles, elle aura une vue imprenable et verra passer les athlètes quatre fois. Je n'insinue rien, je vous rapporte les faits...

Demain, ce sera le marathon des femmes. La foule ne pourra pas dire adieu à celle qui a couru le marathon le plus vite de l'histoire (2h15:25 en 2003), la Britannique Paula Radcliffe. Forfait pour cause de blessure.

Les trois femmes qui ont couru sous les 2 h 20 cette année y seront. La Russe Liliya Shobukhova et les Kényanes Mary Keitany et Edna Kiplagat. Aucune Canadienne ne s'est qualifiée.

Qui va gagner, Dorys?

«Dans un marathon olympique? Jamais celles qu'on donne gagnantes!»