Mais oui, mais oui. Ce gouvernement a été très nul pour gérer cette crise. Pour l'avoir ignorée si longtemps aussi. Tout ça a trop traîné.

Je suggère quand même de conserver un petit bout de chemise pas déchirée. Ça pourrait encore servir.

Vous permettez que je pose une question théorique? Merci. Est-ce que l'obligation de résultat dans une négo ne pèse que sur le gouvernement? Même quand tout le monde est très, très tanné?

Elles ont commencé trop tard, ces négos, mais elles ont eu lieu. Et elles n'ont pas «rien donné». Trop facile de ridiculiser ces 35$ de rabais temporaires offerts cette semaine. La hausse a été étalée sur sept ans au lieu de cinq; elle est passée de 325$ à 255$; elle est remboursable proportionnellement au revenu; le régime des bourses et des prêts a été bonifié de telle sorte que les familles les moins riches font un gain net. Le problème de l'accessibilité financière est pratiquement réglé.

Ah non, ça n'est pas la gratuité ni le gel. Et c'est bien là le problème. Les leaders étudiants, poussés par la CLASSE, sont politiquement incapables de présenter autre chose qu'une perpétuation du gel sous un déguisement quelconque.

À lire les commentaires outrés un peu partout, on dirait pourtant que les négociateurs étudiants n'ont aucune responsabilité. Ils ont «sacrifié leur session», ce qui devrait garantir un résultat.

Et pourquoi donc? Je sympathise avec ces dizaines de milliers d'étudiants qui seront pris pour reprendre leur trimestre en catastrophe, comprimé à la fin de l'été. Ceux qui sont censés obtenir leur diplôme. Tout ce temps perdu est un gâchis.

Mais à la guerre comme à l'école, ce n'est pas parce que les chefs brûlent les vaisseaux que les troupes obtiennent le droit à la victoire.

Les leaders ont brûlé les vaisseaux. Ils pensaient que la grève illimitée allait produire des effets. Et plus elle durait, plus elle devait infailliblement en produire. Plus elle se justifiait.

Quels que soient les motifs et calculs électoralistes du gouvernement libéral là-dedans (et il y en a, évidemment), il faut tout de même poser une question de principe fondamentale.

Est-ce qu'une grève prolongée dans une minorité d'associations étudiantes doit absolument donner des résultats pour les grévistes?

Non.

On peut critiquer Jean Charest et on aura raison. Il n'a jamais su prendre la parole au bon moment. Ce qui s'appelle être un premier ministre.

Mais est-ce que vous avez entendu Gabriel Nadeau-Dubois?

Ce n'était pas son association qui présentait des compromis, a-t-il reconnu, c'étaient la FEUQ et la FECQ. Le «comité de négociation» de la CLASSE avait le «mandat très clair» de s'asseoir, de participer aux discussions... et «d'aller chercher une proposition à présenter aux assemblées générales».

Ils n'étaient pas là pour céder quoi que ce soit. Ni garantir quelque résultat que ce soit. Écouter. Donner son avis. Passer le relais.

Philippe Lapointe, un des quatre membres de ce comité de négociation de la CLASSE, l'a bien expliqué lors de sa mise en candidature en février:

«Ce comité, dit de négociation, devra non pas négocier, mais exiger. En déposant un cahier de revendications et en servant de courroie de transmission entre le congrès de la CLASSE et la table de rencontre avec le gouvernement, le comité servira à démocratiser le processus de discussion avec le gouvernement. Il n'est pas ici question de représenter les intérêts étudiants, mais bien de servir de délégué, sans pouvoir décisionnel.»

Allez donc négocier dans ces conditions!

Le but de l'opération, d'après Lapointe? «Éclairer le gouvernement sur la gratuité scolaire à un point tel qu'ils et elles seront subjugué-es, investi-es de la même mission que nous: une éducation de qualité, gratuite et publique!»

Ça a l'air qu'ils ne les ont pas subjugués suffisamment...

Ce que les associations étudiantes étaient prêtes à faire était de saboter le régime d'épargne-études et de geler les droits pendant deux ans. Et que se passerait-il dans deux ans, d'après vous? D'autres grèves, bien sûr, parce que le gel est le stade intermédiaire vers la gratuité, si je lis les documents de la CLASSE. Et la lutte continue.

On blâmera le gouvernement et les raisons ne manquent pas. Notamment pour cette loi 78 mal avisée.

Mais j'aimerais seulement qu'on note, au passage, pour les archives de l'indignation, que le gouvernement n'a pas eu le monopole de l'intransigeance.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca