Reprenons du début pour essayer de comprendre où, quand, comment et pourquoi tout s'est mis à mal aller.

Il y avait donc sur la Terre un homme et une femme nus, des animaux sauvages et des arbres fruitiers.

Je saute des grands bouts, étant donné le peu d'espace qui m'est imparti.

On arrive aux mois de février et de mars 2012. Le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, répète ce qui a été annoncé l'année précédente: les droits de scolarité augmenteront de 325 $ par année pendant cinq ans. Ils passeront de 2168 $ (2011-2012) à 3793 $ (2016-2017).

Il y a des grèves dans des cégeps et des facultés de certaines universités. Après des semaines de tumulte, le gouvernement fait une autre proposition: on étale la hausse sur sept ans. On augmentera les droits de 255 $ par année.

Deux...

Cent...

Cinquante...

Cinq.

Et surtout, les règles des prêts et bourses changeront: pour toutes les familles dont les revenus sont de 60 000 $ ou moins, l'opération sera rentable. L'éducation universitaire coûtera MOINS CHER pour ces familles et sera même un gain net.

Moins...

Cher...

Gain...

Net...

Pour les familles dont les revenus sont de 100 000 $ et moins, l'accès aux prêts sera étendu.

Certains s'endetteront davantage. Mais on prévoit aussi un remboursement proportionnel au revenu, pour aider ceux-là.

Si bien qu'aucune personne munie d'une calculatrice et d'un minimum d'intelligence ne peut prétendre que l'accès aux études supérieures est compromis. Aucun étudiant québécois talentueux et motivé ne renoncera à l'université à cause de la hausse.

Bien plus juste socialement que de réduire la hausse et de faire payer tout le monde.

Pardon? Ah, on voudrait des bourses meilleures ET un gel rétroactif?

Vous savez quoi? Moi aussi. Et des arbres à caramel.

Sauf qu'à un moment donné, un homme a mordu dans une pomme et l'espèce humaine a été expulsée du paradis terrestre. Plate de même. Depuis ce temps-là, on vit dans un monde imparfait. Tellement imparfait que quand enfin une «entente» a été signée entre le gouvernement et les leaders étudiants, Line Beauchamp et Jean Charest se sont répandus en déclarations.

Ce fut ridiculement maladroit et fatal.

***

Mais que dire de jeunes leaders, pourtant encadrés par des mentors syndicaux, qui signent une entente, refusent de la recommander, disent finalement qu'elle n'est pas bonne quand ils voient la réaction de leurs instances...

Ensuite on trouve terrible qu'un ancien recteur et député libéral, Pierre Reid, dise qu'ils ont «échappé le ballon».

Ce n'est pourtant qu'une évidence. Tout le monde a échappé le ballon là-dedans. Y compris les leaders étudiants.

Alors, s'il n'y a pas eu d'entente avec Line Beauchamp, il faut un culot formidable pour en faire la grande responsable. Quatre jours après l'offre du gouvernement, la CLASSE revenait avec une demande de baisse des droits.

Les leaders étudiants sont assis sur des mandats de grève donnés par moins du tiers des étudiants du Québec.

Ça ne signifie pas que les deux autres tiers sont super contents des hausses.

Ça veut dire que ceux qui sont encore en grève sont une minorité... très, très contre. Y compris une minorité radicalisée par le passage du temps et les promesses de gain déçues et qui ne veut rien savoir. On va donc avoir énormément de difficulté à leur faire accepter un compromis, maintenant que les trimestres sont quasiment foutus.

Alors, en quoi le départ de la ministre qui, hier encore, représentait l'aile plus sociale du gouvernement permettra-t-il un rapprochement?

Comme de gros, gros doutes.

D'accord ou pas (et j'étais d'accord), cette femme est allée au front pour défendre l'amélioration du financement des universités du Québec. Certainement pas le genre de truc qui vous fait gagner des élections. Elle a défendu une position modérée et parfaitement raisonnable. Elle a présenté un compromis tardif, mais un compromis honorable. Elle a essayé honnêtement jusqu'à l'écoeurement. C'est vrai qu'elle s'est sacrifiée, il n'y a pas d'autre mot. Elle méritait mieux.

Demain, les mêmes qui l'ont traînée dans la boue réclameront qu'on embauche plus de profs dans nos universités.

Voilà où on en est ce matin. Juste un peu plus bas.