Il n'y a pas vraiment de surprise à voir que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ne déposera pas d'accusation contre Zdeno Chara, défenseur des Bruins de Boston.

Ni de matière à scandale, d'ailleurs, quoi que je pense du coup très bas de Chara envers Max Pacioretty, du Canadien, lors d'un match disputé au Centre Bell le 8 mars dernier.

Le DPCP «n'est pas raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu», dit le communiqué.

Il faut en effet avoir des perspectives raisonnables de condamnation avant de poursuivre.

Or, il faut une preuve hors de tout doute raisonnable de l'infraction.

L'infraction de voies de fait causant des lésions consiste à utiliser la force contre une personne sans son consentement - et à la blesser.

Or, dans un match de hockey, tous les joueurs consentent implicitement à des contacts physiques, avec les risques que cela comporte.

Pour qu'un contact soit un acte criminel, il faut qu'il soit clairement au-delà des risques du métier. Que ce soit une attaque faite dans le but délibéré de blesser, par exemple.

Il faut donc qu'il y ait violation des règles du jeu.

Contrairement à ce qu'on entend régulièrement répéter, plusieurs incidents ont donné lieu à des poursuites criminelles au fil des ans au Canada, et pas seulement les affaires Bertuzzi ou McSorley.

Les juges examineront les conditions de jeu, la nature du geste, le degré de force, les risques qu'il comportait, etc.

D'un point de vue sportif, le geste de Chara était inacceptable à mes yeux comme à ceux de bien des amateurs.

Mais l'autorité suprême du hockey, la LNH, n'a pas jugé le geste suffisamment grave pour justifier la moindre suspension.

Quand les autorités sportives disent en d'autres mots que ce geste est au fond un bête accident dans un sport rude par définition, la défense a une bonne cause en main.

Non pas que les tribunaux soient liés par les opinions du préfet de discipline de la ligue. Mais c'est un indice du seuil d'acceptabilité du geste dans le milieu. Donc de ce à quoi un joueur devrait s'attendre comme risque «inhérent».

Les chances de condamnation deviennent donc très minces et l'occasion de poursuivre disparaît.

* * *

En ce qui me concerne, il s'agit néanmoins d'un précédent intéressant, du simple fait qu'une enquête policière ait été ouverte.

J'ai dit le premier soir que c'était potentiellement des voies de fait causant des lésions. Je n'ai pas changé d'idée. Je suis content du simple fait qu'on ait rappelé à tous ceux qui jouent au hockey que tous les coups ne sont pas permis. Que la loi s'applique sur la glace également.

Ils savent bien que tous les coups ne sont pas permis, évidemment: ils pensent aux coups de bâton sur la tête, à une agression par derrière, à un coup de poing à un joueur qui refuse de se battre.

Mais voilà qu'un coup d'épaule peut aussi devenir criminel, dans certaines circonstances. Il peut intéresser la police.

Je persiste à croire que ce coup était vicieux et intentionnel (pas les conséquences, mais le coup).

Mais je crois également qu'une condamnation était très improbable et que dans ces circonstances, il ne faut pas poursuivre.

Sauf que cette affaire est un des éléments qui ont amené la ligue à devenir plus sérieuse, et plus soucieuse de la sécurité des joueurs de hockey. Elle a eu son petit effet civilisateur, pour ainsi dire. Et comme toujours, cela percole de la grande ligue jusque dans les petites, tranquillement, pas vite...

Photo: André Pichette, La Presse

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ne déposera pas d'accusation contre Zeno Chara à la suite de la mise en échec qu'il a portée à Max Pacioretty.