Ce gouvernement veut nous faire croire qu'on aidera les victimes en emprisonnant les voleurs de bicyclettes.

Si la loi présentée hier est adoptée, un juge ne pourrait plus accorder de peine avec sursis pour un vol dans un cabanon, quelles que soient les circonstances.

J'espère, mesdames et messieurs, que vous vous sentez rassurés?

Aux États-Unis, même les juges conservateurs veulent qu'on abandonne les peines automatiques.

Inefficaces, contre-productives, coûteuses: c'est ainsi que des juges nommés par George W. Bush décrient ces mesures depuis plusieurs années déjà.

On ne parle pas de criminologues flyés. On parle de gens qui font la justice au quotidien et qui sont reconnus pour leur conservatisme, leur volonté de réprimer le crime et leur souci des victimes. Des juges que ne dédaignerait pas le sénateur Boisvenu.

Que disent-ils? «J'aimerais bien qu'un membre du Congrès vienne comparaître devant moi», disait un juge du Texas forcé d'ajouter 10 ans de pénitencier à un vendeur de crack déjà condamné automatiquement pour 10 ans: il y avait une arme à feu sous son lit.

Un autre juge conservateur de l'Utah nommé par le président Bush a qualifié d' «irrationnelle» la peine de 55 ans qu'il devait obligatoirement infliger à un vendeur de pot trouvé en possession d'une arme à feu.

Les budgets des prisons ont explosé et partout, il y a une surpopulation carcérale. On se penche sérieusement sur les solutions de rechange, comme la détention à domicile.

Pendant ce temps, ici, nos conservateurs sont en retard d'une révolution. Ils veulent continuer à implanter une mentalité de peines minimales et automatiques. Et restreindre au maximum l'accès aux peines à domicile.

On n'en est pas encore aux carcans et à la surenchère délirante de plusieurs États américains. Mais chaque initiative des conservateurs en droit criminel consiste à ajouter à la panoplie des peines automatiques. Eux-mêmes prédisent des coûts de 2,7 milliards sur cinq ans. Les fonctionnaires pensent que c'est bien plus.

On veut entre autres empêcher la prison avec sursis «pour les crimes graves».

On veut bien... mais justement, les crimes graves ne donnent pas lieu à ce genre de peine!

Bien sûr, on peut toujours trouver quelques exemples de sentences trop clémentes. Mais premièrement, il y a des appels pour y remédier. Et deuxièmement, ce sont des exceptions qui confirment la règle selon laquelle les crimes graves sont punis sévèrement, quoi qu'en dise le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu.

* * *

L'an dernier, le gouvernement britannique, dominé par les conservateurs, a publié un livre vert qui remettait complètement en question l'approche dominante de lutte contre la criminalité.

La population carcérale a presque doublé depuis 18 ans au Royaume-Uni, avec partout des problèmes de surpopulation - et d'explosion des coûts.

Et malgré l'augmentation des mesures répressives, le taux de récidive pour les petits criminels britanniques est de presque 50% dans l'année qui suit leur libération.

La solution est dans des mesures plus intelligentes de mise en liberté encadrée dans la communauté et d'obligation de réparation envers les victimes. Le document parle d'une «révolution de la réhabilitation». Ambitieux!

On observe que le taux de récidive des personnes soumises à la détention à domicile avec conditions est moindre que chez ceux qui sont emprisonnés.

Ne vous y trompez pas: tout cela est fait au nom de la sécurité publique et de la lutte contre le crime par un gouvernement conservateur britannique, pas par des socialistes suédois!

Que dit encore ce texte anglais? Qu'il faut cesser d'ajouter des lois et des dispositions spéciales pour régler chaque problème de sécurité publique.

Souvenons-nous qu'un député conservateur canadien a présenté cette année des modifications au Code criminel pour qu'il y ait des peines minimales automatiques pour ceux qui endommagent les monuments en l'honneur des militaires. Il est déjà interdit d'endommager des biens, mais ça fait plus solennel d'écrire un article pour les anciens combattants, non?

Bref, disent les Anglais, moins de mesures politiques isolées et une politique générale et cohérente.

Pendant ce temps, ici, les conservateurs prétendent régler une crise qui n'existe pas. La baisse de la criminalité au Canada a suivi une courbe semblable à celle des États-Unis, même si on n'a pas adopté (pas encore!) le modèle répressif radical. Les études sur le comportement criminel montrent année après année que ces augmentations de peine n'ont aucun effet dissuasif.

Est-ce que pour autant les peines sont toujours appropriées? Non. Mais je préfère un système qui laisse à un arbitre indépendant le soin de trouver la peine juste pour chacun, plutôt qu'un système qui impose à l'avance la punition, qu'elle soit juste ou non.

On ne réglera rien avec ces mesures, on ne protégera rien ni personne de plus. Sauf peut-être quelques sièges de députés...