On m'a reproché d'avoir tenu des propos quasi funèbres au sujet du PQ la semaine dernière.

Il y a des militants qui ont eu de la peine.

Je vais donc tâcher d'insuffler un vent d'optimisme aux troupes, qui ont la mine un peu grise ces jours-ci.

Regardons les choses sous l'angle purement statistique. Laissons de côté les émotions, les sondages fondés sur des hypothèses et les autres distractions.

Allons directement aux données brutes. Les chiffres ne mentent pas.

Que disent les chiffres? Ils disent que ça va vraiment de mieux en mieux pour Pauline Marois!

La semaine du 5 juin, trois députés ont démissionné du PQ -le lundi 6. Le lendemain, un quatrième les a imités.

Le 8 juin? Rien.

Ni le 9, ni le 10, ni le 11, et ainsi de suite jusqu'à hier, 21 juin, où un cinquième a remis sa démission. Treize interminables jours après le quatrième!

Il ressort clairement des chiffres que les démissionnaires s'essoufflent, statistiquement parlant.

Premièrement, les démissions ont tendance à diminuer en nombre (elles ont passé de trois à une seule par jour).

Deuxièmement, elles s'espacent de plus en plus, passant d'un cycle quotidien à un cycle bimensuel.

Question: si chaque démission met 13 fois plus de temps à survenir que la précédente, quelle est la date de la prochaine?

Multiplions 13 jours par 13, cela donne 24,1 semaines d'attente avant qu'un autre député péquiste ne déchire sa carte.

Il faudrait ensuite attendre 13 fois 24 semaines, ce qui nous mène à 26 ans.

Selon ce modèle, donc, avant que Pauline Marois soit complètement seule comme députée, il faudrait attendre des dizaines de milliers d'années!

Et après, des pisse-vinaigre nous diront que ça va mal au PQ!

C'est qu'ils n'examinent pas les chiffres, mesdames et messieurs. Certes, les chiffres ne disent pas tout. J'en conviens. Mais l'analyse qualitative des événements est périlleuse.

Les cinq démissionnaires ont des motivations très différentes. Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin ont fait une conférence de presse commune, mais ils ne disent pas la même chose.

Pierre Curzi et Louise Beaudoin ont démissionné sur une question de principe autour du projet de loi pour faire légaliser le projet d'amphithéâtre. Louise Beaudoin a paru profondément écoeurée par la politique politicienne telle que pratiquée, selon elle, par le PQ de 2011. Pierre Curzi aussi.

Dans le cas de Mme Lapointe s'ajoutent des reproches sur le projet souverainiste et le style autoritaire du bureau de Pauline Marois. Ces deux-là ne peuvent pas se sentir, ça semble évident.

Le quatrième démissionnaire, lui, a insisté surtout sur la faiblesse du message souverainiste. Tellement que, lundi, il a laissé entendre qu'il pourrait fonder un nouveau parti «plus» indépendantiste.

Et voilà que le cinquième, Benoit Charette, nous dit hier qu'on parle trop de souveraineté! Il veut que Pauline Marois s'engage à ne PAS tenir un référendum dans son premier mandat.

Il dit que la souveraineté n'est pas possible ou souhaitable en ce moment. Effectivement, il n'a plus d'affaire au PQ... D'ailleurs, il est en contact avec François Legault.

Il a peur de perdre son siège. D'autres ont peur de perdre leurs idéaux. Les cinq sont partis. Mais soyons sérieux un instant: ces démissions ont toutes plus ou moins rapport avec l'arrivée du mouvement de François Legault dans le paysage politique.

Le PQ, malgré l'impopularité historique des libéraux, n'est pas parvenu à prendre une avance sérieuse avec Pauline Marois. Ça mène à des calculs électoraux, ça mène à ce projet de loi privé censé plaire aux gens de Québec.

Arrive François Legault, que pas grand-monde ne croyait vraiment menaçant au départ. Il est sans charisme particulier. Ses idées ne font pas tomber l'électeur à la renverse.

Mais il a ce ton complètement différent. Il fait celui qui rejette le désordre et la bassesse de la politique. Il est à côté, au-dessus. Il n'a même pas de parti! Prenez mes idées, c'est gratuit... Sinon, je le ferai moi-même.

Personne n'avait vu venir cela, et les libéraux, s'ils sont moins en état de panique, sont tout aussi obsédés par ce politicien insaisissable, qui s'insinue dans l'électorat comme un liquide.

En physique, on parle d'implosion quand un fluide fait irruption dans une enceinte devenue trop faible.

Ça ressemble à ce qui se passe au PQ, où l'écartèlement historique entre la promotion de l'indépendance (quel qu'en soit le coût politique) et la prise du pouvoir (pour mieux promouvoir l'indépendance) prend un tour dramatique ces jours-ci. J'ai dit «terminal», l'autre jour. Je le pense. Pas pour le projet souverainiste, mais pour le PQ tel qu'on l'a connu.

Mais bon, peut-être ai-je tort, il y a les chiffres, après tout...