Comment la mort d'Oussama ben Laden peut-elle rendre les États-Unis plus «sûrs» ?

Plus sûrs d'eux-mêmes, sans doute, puisque le pays qui possède le plus de ressources d'espionnage au monde a mis 10 humiliantes années à le retrouver.

Depuis longtemps déjà, des franchises plus ou moins indépendantes du réseau Al-Qaïda ont organisé des actes terroristes.

Ce n'est pas Oussama ben Laden qui a orchestré les attentats que complotaient les «18 de Toronto», qui voulaient faire sauter la Tour du CN et qui ont pratiquement tous été condamnés en Ontario depuis deux ans. Ils n'avaient nul besoin d'un chef spirituel vivant pour s'organiser ou s'inspirer. La doctrine nihiliste de cet islamisme radical se promène en liberté...

Dans le complexe où le commando de la marine américaine est allé l'abattre, ben Laden n'avait apparemment aucun lien téléphonique ou informatique avec le reste du monde. Pour éviter d'être détecté, c'est avec des messagers qu'il faisait affaire.

On imagine mal qu'il ait été directement impliqué dans les opérations.

Et si, comme l'affirment depuis longtemps déjà les responsables du renseignement américain, ben Laden n'était plus guère qu'un symbole, sa disparition ne devrait pas compromettre les projets de cette multinationale du terrorisme islamiste.

Les polices occidentales surveillent des complots terroristes partout en Occident. J'ai parlé d'une multinationale... Il faudrait plutôt voir une nébuleuse qui n'a pas de centre et pas de direction connue.

Madrid, mars 2004 : 200 morts, 1400 blessés. Londres, juillet 2005 : 56 morts, 700 blessés...

Les policiers britanniques ont déjoué pas moins de 15 complots d'envergure. Un attentat a été évité de justesse l'an dernier à Times Square, à New York. Les membres du groupe de Toronto, qui planifiaient un carnage en sol canadien, ont été arrêtés en 2006. On n'a pas parlé des attentats au Maroc, à Bali (200 morts en 2002), au Pakistan, en Turquie, aux Pays-Bas...

Trois semaines après les attentats du 11septembre 2001 contre les États-Unis, des responsables du renseignement avaient affirmé qu'une autre attaque en sol américain était certaine à 100 %.

Bientôt 10 ans se sont écoulés sans qu'aucun autre acte terroriste réussisse sur le territoire américain.

La prédiction ne s'est pas réalisée parce que les complots, de bien moindre envergure (ceux qu'on connaît), ont été déjoués jusqu'ici.

On nous dit que le discours fanatique de ben Laden, par ailleurs, n'a plus la même prise sur l'opinion musulmane. Que le cul-de-sac auquel mène le terrorisme lui fait perdre des partisans. Qu'il est moins que jamais considéré comme un véhicule politique légitime.

C'est peut-être vrai, et sans doute l'extrémisme violent ne représente-t-il qu'une petite frange.

Il n'en reste pas moins que, en bien des lieux, des imams réussissent à recruter quantité de jeunes hommes qui vont se suicider pour tuer des innocents au nom de Dieu.

L'idée, donc, que le terrorisme islamiste vient de reculer avec l'exécution de ben Laden est sans doute bien optimiste. Le parrain du terrorisme islamiste contemporain est mort. Pas son héritage.

Exécution «légale» ?

Peut-on dire, au fait, que ben Laden a été «exécuté» ? En 1981, le président Reagan avait aboli le droit des agences américaines d'assassiner. En septembre 2001, le Congrès a toutefois donné au président le pouvoir d'utiliser la force appropriée contre toute organisation ou personne impliquée dans les attentats qui ont fait plus de 3000 morts.

Traduction: on crée un permis d'exécuter sans procès que le droit international ne reconnaît pas. N'allons pas parier très fort sur d'éventuelles protestations juridiques dans ce cas-ci, toutefois...

Selon les éléments très partiels dont nous disposons, les membres du commando ont fait face à de la résistance armée. Ils pouvaient clairement tirer eux aussi.

On peut toujours penser que, de toute manière, ben Laden aurait été abattu même s'il n'avait pas résisté. Le fait est que les Américains n'ont pas bombardé l'endroit. Cela ressemble davantage à une opération policière bien faite.

Si une opération extraterritoriale a jamais été justifiée, c'est bien dans ce cas-ci. Il ne fallait pas compter sur le Pakistan pour s'en occuper, de toute évidence. Et la communauté internationale au complet avait intérêt à voir ben Laden capturé.

Prévoyons d'innombrables colloques juridiques sur les mérites d'un tel procédé.

Mais je serais bien étonné que même un lointain allié se plaigne qu'on n'ait pas amené ben Laden à procès.

Oussama ben Laden, d'après ce qu'il disait depuis 10 ans, n'a jamais eu la moindre intention de se rendre aux Américains. On savait qu'il préférait mourir. C'était au programme.

C'est fait.