Sa mère ramassait la vaisselle cassée sur le plancher de la cuisine.

Pour un tremblement de terre, c'en était tout un, mais la maison avait tenu bon.

Les pompiers sont passés quelques minutes plus tard. Ils disaient d'évacuer. Il a regardé par la fenêtre. On ne voyait rien de particulier. Des tsunamis, il y en a eu quelques-uns, ici. Au pire, il y aurait de l'eau dans le sous-sol, on avait évité le pire...

Et la vague est arrivée devant la maison. Sortie comme de nulle part.

«Une vague noire a attaqué», dit Hiruki Ootomo, 25 ans.

Il a crié «maman». Ses deux petits frères ont crié aussi. Ils se sont précipités à l'étage du haut, puis sur le toit.

«Quoi?» a dit sa mère.

Ils ne l'ont jamais revue.

L'hélicoptère de la sécurité civile est venu les chercher sur le toit.

Hier, avec son père Kenich et ses frères Takashi, 21 ans, et Kohei, 15 ans, il s'est rendu à la morgue improvisée, installée dans le complexe sportif hypermoderne en banlieue de Sendai.

On amène ici une centaine de corps chaque jour. Les gens viennent et prennent un numéro. Ils entrent 10 par 10 et vont voir les photos des morts.

Hier, il a vu la photo de sa mère, retrouvée on ne sait où.

Il revoit la vague noire qui s'en vient. Et il se demande ce qu'il aurait pu faire, ce qu'il aurait dû faire pour aller chercher sa mère. Encore. Et encore.

***

Ce matin-là, c'était l'anniversaire de son fils. Cinq ans. Comme chaque année, son grand frère a appelé pour parler à son neveu. Il était 9h.

Le tsunami est arrivé vers 14h45. Elle a appelé son frère. Il ne répondait pas. Peut-être était-il trop occupé. Il conduit un camion de récupération du verre recyclé.

Hier, Chieko Tanno a vu la photo de son grand frère de 46 ans. Elle est sortie en pleurant du gymnase, avec son fils et son mari.

Spontanément, Rosie di Manno, du Toronto Star, avec qui j'étais, l'a prise dans ses grands bras italiens. C'était la chose la plus naturelle et la plus audacieuse en même temps, dans ce pays où on ne donne pas la main et où la réserve semble de mise en toutes circonstances.

La fille s'est collée contre Rosie et a pleuré toutes les larmes qui lui restaient.

«Je suis contente de l'avoir identifié, je sais qu'on l'a trouvé.»

***

Lui, c'est son cousin qu'il cherche. Il était dans le dortoir de la société d'équipement électrique quand la vague est arrivée.

«Ses collègues m'ont dit qu'il était en vie après la première vague, ils l'ont vu», dit Shigaru Suzuki, 66 ans.

«Mais il y a eu une autre vague... Et ils ne l'ont pas revu. J'ai regardé toutes les photos. Il n'était pas là. Je ne sais pas quoi penser. Si je le trouve sur les photos, c'est qu'il est mort. Si je ne le trouve pas, j'ai un espoir. Mais s'il est mort et que je ne le trouve pas...»

Il s'est rendu à la maison de son père après le tsunami.

***

«J'ai trouvé ses chaussures dans la maison, dit Yosiyuki Subugata. J'ai su qu'il n'avait pas pu fuir à temps. Je viens de voir sa photo. Il avait le visage enflé, mais c'est bien lui, je l'ai reconnu du premier coup. Des funérailles auront lieu dans trois jours, je pense. La loi oblige de l'incinérer, mais il y a tellement de morts, il faut attendre, on ne sait pas...»