Dimanche soir, il ne tombait plus rien du ciel. L'air était doux. Quel temps magnifique pour une petite grillade, me suis-je dit.

J'ai pelleté jusqu'au barbecue, j'ai cassé la glace sur les boutons, j'ai ouvert le couvercle enneigé et j'ai allumé le printemps.

On clôturait la semaine de relâche, le beau-père venait souper avec de la parenté, j'avais quelques steaks de derrière les fagots, allez, c'est pas tous les jours le printemps.

Pendant que la neige fondait sur le barbecue, le beau-père regardait le ciel s'empourprer, l'air songeur.

«Chaque soir, dit-il, mon père faisait le tour de sa terre en regardant le ciel, et il était capable de prédire avec exactitude le temps qu'il ferait le lendemain. J'ai appris ça de lui.

-Ah bon? Et quel temps fera-t-il demain?

-Le ciel est superbe et dégagé, avec du rose et du mauve, ça annonce une journée splendide demain», trancha-t-il avec ce mélange de lyrisme et de certitude ou de bluff (on ne sait jamais), enfin, avec tout ce qui fait de lui un redoutable joueur de cartes, mais un piètre météorologue, comme la suite des événements l'a prouvé hors de tout doute.

Je l'ai appelé le lendemain matin. Il était dans le trafic, quelque part sur l'autoroute, sous un pied de neige.

«Pour moi, y a des choses que votre père vous a pas enseignées...»

Il n'avait pas vraiment le goût de rire.

Il a bien raison, il n'y a plus de quoi rire.

L'hiver entre ici dans cette phase mesquine et humiliante qui lui donne sa mauvaise réputation.

Ah, je sais, je sais, en cette même page, il y a trois mois, j'ai vanté les charmes des premières tempêtes. C'est vrai. Contradiction, dites-vous? Point du tout, madame.

Distinguons le vrai hiver - celui qui a du panache, de l'utilité et une pertinence récréotouristique - de cette parodie minable qui nous accablera encore trois semaines.

Le vrai hiver est froid, mais on peut jouer au hockey dessus. Le faux hiver pleut quand ça le tente, est glacial demain, tiède après-demain, re-froid, re-tiède, jusqu'à ce qu'il ait scrappé tout ce qui rend la saison endurable, parfois même agréable.

Ne parlons pas des tempêtes et de la circulation.

Pensons plutôt à tous ces coups en bas de la ceinture qui sont la signature de ce mois calamiteux. Cette neige qui s'insinue sur le siège de la voiture quand on ouvre la portière et qui vous mouillera les fesses.

Celle qui rentre le long des chevilles jusqu'au fond des bottes, quand vous allez chercher les poubelles en passant par chez le voisin, vu les accumulations. Ces trous d'eau cachés le long des trottoirs. Cette clé échappée dans la poudrerie.

Cheap shots, je dis.

Ça va faire, je dis.

Tout cela est du pur niaisage et nuit à la reprise économique.

Il est temps que le gouvernement agisse.

Moratoire, moratoire, je crie ton nom!

Bon.