Au cas où vous ne le sauriez pas, le Québec est la seule province où les mises en échec au hockey sont interdites avant le niveau bantam (13, 14 ans). Ailleurs au Canada, on commence dès le niveau pee-wee (11, 12 ans).

Et ça agace plusieurs de nos experts locaux. Ils voudraient qu'on adopte la norme canadienne, pour que nos joueurs apprennent plus rapidement comment frapper et comment recevoir des coups.

La mise en échec fait partie du hockey depuis longtemps, l'empêcher dénature le jeu et défavorise les joueurs québécois, disent-ils. Les joueurs québécois ont ici et là la réputation d'être plus timides, et pour certains, ça vient de leur éducation trop tardive en matière de contact. Ils seraient donc désavantagés dans ce jeu où la combativité est nécessaire.

D'autres, plus ratoureux, nous disent que c'est même une question de sécurité pour les enfants: plus ils apprennent cela jeunes, plus ils en maîtrisent la technique et, donc, ils risquent moins de se blesser.

Une étude avait fait grand bruit il y a 10 ans, qui affirmait même qu'il y avait moins de blessures dans les provinces canadiennes permettant la mise en échec. Un journaliste de la CBC, en analysant les données tronquées par les chercheurs, avait démontré que c'était totalement faux et que, comme de raison, c'est là où il y a des mises en échec qu'il y a plus de blessures.

Voilà maintenant qu'une nouvelle étude de l'Université de Calgary confirme cette évidence. Elle est citée par Michel Marois, qui publie un dossier sur le sujet depuis samedi dans La Presse. On a comparé le taux de blessures au Québec et en Alberta au niveau pee-wee. «Notre étude a montré que jouer dans une ligue où les coups sont permis entraîne trois fois plus de risques de blessures, y compris les commotions, que jouer dans une ligue où les mises en échec sont interdites, a indiqué Carolyn Emery, chercheur principal de l'étude. Si les mises en échec étaient interdites au niveau peewee en Alberta, nous pourrions prévenir 1000 matchs ratés pour cause de blessure et 400 matchs ratés pour cause de commotions.»

Ça fait drôle de voir ça comptabilisé en matchs perdus et non en enfants blessés, mais bon, c'est ce qu'on a observé.

Bien sûr, on nous dira que c'est «seulement» dans le hockey deux lettres, supposément d'élite, qu'on permet les mises en échec. Mais d'abord, on en a tellement étendu le concept (AA, BB, CC) que ce n'est plus de l'élite du tout, et que cette catégorie est très large. Et ensuite, on changerait le règlement pour faire plaisir à qui? Pour la minuscule fraction qui aspire à la Ligue nationale? Il reste à démontrer qu'on a assassiné des Mozart du hockey parce qu'on ne les a pas laissés se plaquer à 11, 12 ans.

Cet argument ne vaut pas une seule commotion cérébrale d'un enfant de 11 ans.

Les petits gars vous diront tous, d'ailleurs, qu'ils ont hâte de plaquer. Jusqu'à ce qu'ils se fassent «geler» dans la bande par un gros qui a eu sa poussée de croissance prématurément. Ou qu'ils voient un de leurs coéquipiers qui vomit 10 fois après s'être fait rentrer dans la bande, comme dans une équipe que je connais.

Et à voir ce qui se passe dans le hockey à tous les niveaux, même dans la LNH, le problème n'est pas vraiment l'âge auquel on enseigne les subtilités de la mise en échec. C'est plutôt ce qu'on en fait. Dans la «culture» actuelle du hockey, on s'en sert beaucoup pour intimider, pour faire mal, autant que pour récupérer la rondelle. On glorifie les joueurs qui «complètent leur mise en échec», langage codé pour dire qu'on étampe bien comme il faut l'adversaire en toutes circonstances. C'est de ça qu'on devrait se préoccuper, pas de se demander si on va repêcher plus de Québécois parce qu'on leur apprend à plaquer à 11 ans.

Mais on vous dira que si vous n'aimez pas les mises en échec, c'est votre problème, y a toujours le ping pong...

C'est une sorte de bonne nouvelle, au fond, que le meilleur joueur de hockey du monde, Sidney Crosby, soit sur la touche depuis une semaine et demie à cause d'une commotion cérébrale à cause d'un coup sournois.

Peut-être finira-t-on un jour par établir dans le hockey une règle de responsabilité civile élémentaire: chacun est responsable des conséquences prévisible de ses actes. On ne parle pas d'accidents. On parle d'intention de blesser. Au hockey, on peut faire ça «légalement». Le gars jouait la tête trop basse, tant pis pour lui!

En attendant que cette ligue évolue, vu que ça peut être long, il ne faudrait surtout pas que notre hockey mineur québécois marche à l'envers de l'histoire. On devrait être fiers de mieux protéger les jeunes joueurs.

Avec ce qu'on sait des commotions cérébrales, leurs conséquences potentiellement graves à long terme, ce serait irresponsable de décider d'envoyer des enfants à l'hôpital pour la gloire du sport national. C'est forcément ce qui se produirait chez les 11, 12 ans. On peut le prévoir.

Or, on est responsable des conséquences prévisibles de nos actions...

Pour joindre notre journaliste: Yves.boisvert@lapresse.ca