Chaque fois qu'il est question de décrochage scolaire, les gens pointent les commissions scolaires, les professeurs, les politiciens. Mais ils oublient les gens les plus importants, ceux qui jouent un rôle décisif: les parents.

Voilà ce qu'a dit Jean Charest la semaine dernière. À lire les commentaires, il semble que ces paroles soient irrecevables. Le premier ministre «culpabilise» les parents. Il semble qu'on n'a pas le droit d'en appeler à la responsabilité. Pas lui.

Pourtant, quand les deux tiers des garçons francophones ne finissent pas leur secondaire en cinq ans, on a un sacré problème sur les bras.

Seulement le quart des francophones de 25 à 34 ans ont un diplôme universitaire au Québec. Chez les anglophones du Québec, c'est 35% et chez les immigrants, c'est 37%.

Comment expliquer cet écart? Jean Charest a raison de dire que certaines communautés valorisent davantage l'éducation. Il n'y a qu'à observer les performances scolaires des enfants chinois du Québec, dont parfois les parents ne parlent même pas le français, et qui réussissent extraordinairement bien à l'école française. Les Asiatiques qui ont immigré ici prennent en général l'éducation très au sérieux. Même chose pour la communauté juive en général. Et j'en passe.

Il est peut-être temps de se poser des questions et de se secouer les puces, au Québec francophone. Ah, je sais, on n'aime pas se sentir coupable.

C'est la faute de qui, alors? Les Anglais? La CSN? Le déséquilibre fiscal? Le réchauffement climatique?

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Mais oui, je sais, ce gouvernement et le précédent, avec leur foutue réforme et tous leurs affreux pédagogues, n'ont rien fait qui vaille. La situation, qui se redresse ailleurs au Canada, s'aggrave ici.

Jean Charest n'est donc pas très bien placé pour en appeler à la responsabilité individuelle. Mais quand Jacques Parizeau l'a fait, quand il a parlé avec raison d'une tragédie nationale, on lui est tombé dessus parce que ses enfants sont allés à l'école privée. Comme si le décrochage scolaire était la résultante des subventions au privé.

On peut débattre à l'infini des subventions au privé, mais il restera la question qui fait mal: pourquoi, dans le réseau public comme ailleurs, plusieurs groupes culturels réussissent systématiquement mieux que les Québécois francophones? Pourquoi le Québec a-t-il le record canadien de décrochage?

Parce qu'on ne s'en soucie pas assez.

Le constat le plus révélateur du rapport Ménard sur la persévérance scolaire était l'écart d'intérêt pour l'éducation entre le Québec et le reste du Canada.

Quand on a demandé aux Québécois s'ils jugeaient «extrêmement important d'assurer la bonne connaissance de la lecture, de l'écriture et des mathématiques», ils ont répondu oui à 81%. Les parents québécois ont effectivement l'éducation de leurs enfants à coeur.

Sauf que dans le reste du Canada, on a répondu oui à 94%.

Diriez-vous qu'il est extrêmement important d'acquérir une attitude disciplinée par rapport aux études? a-t-on demandé aussi. Oh, oui, ont dit 61% des Québécois sondés. C'était 80% dans le reste du Canada.

Eh, j'espère que personne ne se sent coupable, là, hein, je ne fais que citer des chiffres!

Mais ces chiffres, ce qu'ils expriment, c'est une relative indifférence face à l'éducation, qui nous distingue.

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Bien sûr, on ne fournit pas tous les services aux élèves en difficulté, j'en conviens. C'est vrai, les commissions scolaires pourraient faire mieux, adapter des programmes, aménager des plateaux sportifs, etc. En ce qui me concerne, on n'investira jamais assez dans l'éducation.

De la même manière, plein de parents se fendent en quatre pour intéresser leurs ados à l'école, sans succès. Ce n'est pas leur «faute», eux parlent d'école à la maison, s'en soucient vraiment. Ça arrive.

Et quand on voit que ce même gouvernement a détruit le projet du CHUM et a imposé à l'Université de Montréal un projet qu'elle ne voulait pas, on se dit que le respect de l'éducation n'est pas une spécialité de Jean Charest (voir le lumineux et déprimant livre de Robert Lacroix et Louis Maheu, Le CHUM, une tragédie québécoise).

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N'empêche, Jean Charest a eu raison. Les Québécois en général ne se soucient pas suffisamment d'éducation. Ce devrait être une sorte d'obsession nationale, pourtant. Si le premier ministre ne peut pas le dire maintenant, qui le dira?

Malgré tout ce qui a été mal fait et qui continue de l'être par les structures, tout commence à la maison.

Il faut demander aux enfants chaque jour comment ça s'est passé à l'école, je sais que ça ne se fait pas assez, a dit Jean Charest.

Ce n'est qu'une façon de dire sans le dire: tu m'intéresses. Ce que tu fais m'intéresse. Ce que tu fais est important. Je t'aime.

Ça ne garantit rien, on le sait tous. Mais ça peut aider à partir la semaine.