Ce devait être une «opération policière», alors examinons-la comme telle.

S'il s'était agi de la police de Laval ou de celle de Cincinnati, il n'y aurait pas à ergoter très longtemps. Une «opération policière» contre des gens non armés qui ne menacent personne dans l'immédiat, et où la police tue 10 personnes, c'est un massacre.

S'il s'était agi de la police de n'importe où, on crierait à l'incompétence, l'impréparation et l'irresponsabilité à un niveau quasi criminel. Plusieurs le disent d'ailleurs en Israël.

Mais bien entendu, le gouvernement israélien plaide la légitime défense. Légitime défense pour donner l'assaut. Et légitime défense une fois les soldats attaqués par les passagers d'un des six bateaux.

Des défenseurs aveugles du gouvernement israélien disent déjà que la faute appartient entièrement aux passagers «provocateurs», faux pacifistes, et qu'au fond, Israël aurait pu tout bonnement torpiller ces bateaux.

La légitime défense est le droit de riposter de manière proportionnée à une attaque imminente.

Quand les soldats israéliens sont roués de coups à bord du bateau, qu'on tente de les désarmer, ils sont en situation de légitime défense individuelle. Encore faudra-t-il voir exactement ce qui s'est passé.

Mais avant d'en arriver là, l'État d'Israël a jugé qu'il était dans une situation de danger tel qu'il a commandé cette opération en eaux internationales. Où est le danger immédiat?

Ce n'est pas parce que la flottille était en eaux internationales qu'Israël n'avait pas le droit d'agir. Un État a le droit de se défendre avant d'être envahi.

Un État peut donc légitimement se défendre même en eaux internationales, même sans qu'un coup de feu ne soit tiré contre lui. Le philosophe Michael Walzer a exprimé ainsi le droit aux guerres préventives : «Les États peuvent utiliser la force des armes chaque fois que s'en abstenir mettrait gravement en danger leur intégrité territoriale ou leur indépendance politique».

Encore faut-il une menace et encore faut-il une réponse proportionnée.

On peut difficilement affirmer que ces bateaux étaient une menace imminente à la sécurité d'Israël qui aurait justifié, par exemple, de les détruire. Pour les empêcher d'entrer, une opération de blocage aurait suffi, dès qu'ils auraient atteint les eaux territoriales israéliennes. La fouille des embarcations aurait permis de vérifier s'il y avait des armes ou des munitions.

Au départ même, donc, l'assaut de nuit était douteux, risqué, dangereux.

Dans le cas du Liban, à l'été 2008, Israël pouvait légitimement riposter aux attaques du Hezbollah. Et dans le cas de Gaza, à l'hiver 2008-2009, Israël répliquait aux roquettes du Hamas. Des dangers de mort dans les deux cas. Donc des cas clairs de légitime défense.

Mais quand on a remis en question les moyens disproportionnés mis en oeuvre par l'armée israélienne, la destruction et les morts, les mêmes qui aujourd'hui défendent l'opération contre la flottille plaidaient encore la légitime défense et rejetaient toute critique comme nulle et non avenue du seul fait qu'il y avait bel et bien une menace mortelle contre des citoyens israéliens.

Et quand des enquêtes internationales ont sévèrement blâmé Israël, on a attaqué les messagers.

Le droit de se défendre ne peut pourtant pas tout excuser. Il a ses limites pour les citoyens comme pour les États. Et encore une fois, l'armée israélienne paraît les avoir dépassées.