Pierre-Hugues Boisvenu s'est fait connaître comme militant pour la défense des droits des victimes d'actes criminels. On sait les tragédies qui l'ont accablé. Il a accompli un travail remarquable pour faire comprendre que les proches des personnes assassinées sont aussi des victimes et qu'elles sont souvent laissées à elles-mêmes.

Pendant des années, dans les médias, il a parlé avec intelligence pour ceux et celles qu'on n'entend pas.

Le voici sénateur conservateur et, comme prévu, le gouvernement Harper, en manque de représentants au Québec, se sert de lui comme porte-parole lorsqu'il est question des projets de loi en matière de sécurité publique.

On l'a vu cette semaine défendre le projet de réforme du système de pardon. J'ai écrit le mois dernier qu'il y avait lieu de s'interroger sur le caractère automatique du pardon, surtout pour certains crimes. Mais ce que les conservateurs proposent va beaucoup plus loin et manque totalement de nuance.

Réaction tout à fait sensée du chef du Bloc, Gilles Duceppe: on va étudier le projet de loi et faire nos commentaires. D'entrée de jeu, il se dit inquiet de voir qu'on met tous les crimes sexuels sur le même pied.

Réplique du sénateur Boisvenu: Gilles Duceppe pense tout de suite aux criminels, pas aux victimes!

On comprend le jeu de la politique. Mais quand on vote des lois, on n'est plus le représentant d'un groupe de pression. Évidemment qu'il faut penser aux «criminels», c'est l'idée même du pardon: réhabiliter, donner à quelqu'un la chance de refaire sa vie.

La ligne démagogique des conservateurs est toute tracée: tous ceux qui ne sont pas absolument en faveur de leurs initiatives sont «du bord des criminels».

Le gouvernement, par exemple, veut récrire la Loi sur la justice pénale pour adolescents; il veut faire de la sécurité publique le principe directeur de la loi et reléguer au second rang la réhabilitation des jeunes délinquants. De plus, le gouvernement propose qu'il revienne à l'accusé d'un crime grave de convaincre le juge qu'il doit avoir une peine pour mineurs, alors que c'est actuellement le contraire.

Cette loi a été durcie en 2003 par les libéraux et rien ne justifie un changement de philosophie aussi radical. Ni le taux de criminalité ni le taux de récidive - du moins pas au Québec.

On a appelé ce projet de loi «Sébastien», à la mémoire de Sébastien Lacasse, un jeune de Laval assassiné en 2004 par des mineurs. On devine qu'il s'agit encore une fois de jouer sur les émotions, de tracer une ligne entre ceux qui se soucient des victimes et «les autres».

Les victimes ne seront pourtant pas mieux servies si le système ne s'intéresse plus à la réhabilitation des délinquants. La justice devrait s'intéresser aux deux. Le sénateur Boisvenu, lui, devrait s'intéresser à toutes les conséquences des lois qu'il défend.

Commission Bastarache

Cette commission n'est pas commencée qu'elle est déjà accablée. Il aurait fallu des femmes, il n'aurait fallu personne qui ait déjà donné aux libéraux ou à personne...

Oui, bien sûr, dans un monde idéal, il aurait fallu une égale représentation. Évidemment aussi, plein d'avocates auraient pu être nommées. Un nom évident comme procureur chef: Marie Cossette, qui a fait Gomery, qui a représenté des officiers à la commission Poitras et qui était la procureure de la commission Johnson sur le viaduc que l'on sait.

Mais voilà, elle accouche au mois de juin. Louise Viau, commissaire à Poitras, a été pressentie. Pas intéressée: elle fait maintenant de l'arbitrage.

Le procureur-chef Pierre Cimon a eu beau donner au Parti libéral, il a tout de même cet avantage: à son âge, il n'aspire plus à être juge. C'est par ailleurs un avocat qui jouit d'une immense réputation. Le directeur des communications, Guy Versailles, a été dans la mouvance péquiste. Est-ce que ça compense?

Les autres avocats? Giuseppe Battista en est à sa cinquième commission d'enquête. Eric Downs a représenté des témoins devant trois commissions. Simon Ruel en est lui aussi à sa troisième commission et a publié un livre sur le sujet. Myriam Corbeil en est à sa troisième commission même si elle n'a que cinq ans d'expérience comme avocate.

On n'a pas exactement une brochette de deux de pique.

D'autres ont été pressentis, c'est un secret de Polichinelle en ville. Mais les avocats et avocates de ce calibre n'ont pas tous six mois à donner. Les associés ne sont pas nécessairement fous de joie de les voir partir et larguer leurs dossiers.

Donc, il est facile de faire une liste idéale mais, dans la vraie vie, pour finir le travail en six mois (ce qui me semble hautement ambitieux, sinon délirant), il faut trouver les gens et les embaucher.

Je ne sais pas si ces gens-là ont mesuré dans quel profond panier de crabes ils sont lancés. M'est avis que, avec les vagues qui s'en viennent, ils vont vite s'ennuyer de cette controverse en forme de hors d'oeuvre...

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Erratum

La première femme juge en chef de la Cour supérieure s'appelait Lyse Lemieux, pas Lise Côté. Mes excuses. Par ailleurs, Ian Binnie est le seul membre de la Cour suprême actuelle à avoir été nommé directement sans avoir siégé auparavant. Il y en a bien sûr eu plusieurs avant lui: Sopinka, de Grandpré, Pratte, etc.