Une commissaire à l'information vient de décréter que les journalistes qui veulent contester des décisions des organismes gouvernementaux doivent absolument être représentés par avocat.

Pas d'avocat? Dehors!

C'est arrivé à notre collègue William Leclerc, recherchiste au bureau d'Ottawa de La Presse. Il demandait des documents d'Hydro-Québec. Hydro a refusé. Alors, comme le prévoit la loi, il a contesté ce refus devant la Commission d'accès.

 

La Commission est un tribunal administratif chargé de réviser les décisions des organismes publics au sujet de l'accès à leurs documents.

La loi ne donne pas de droits spéciaux aux journalistes. Toute personne qui a droit à un document public doit se les faire remettre. Donc, un citoyen qui se fait refuser un document par un ministère peut se présenter devant la Commission et plaider sa cause, avec ou sans avocat, comme devant n'importe quelle instance, de la cour municipale à la Cour suprême, en passant par la Régie du logement.

C'est un droit que de se représenter soi-même devant les tribunaux.

Mais voilà tout le problème, a plaidé l'avocate d'Hydro-Québec: M. Leclerc ne se représente pas lui-même. Il plaide pour son journal.

Or, la Loi sur le Barreau est claire: devant les tribunaux, seuls les avocats peuvent représenter d'autres personnes. Il y a cependant de très nombreuses exceptions. Devant plusieurs tribunaux administratifs, il est permis de se faire représenter par un non-avocat. Notamment devant la Régie du logement, le Conseil des relations de travail, la Commission d'appel en matière de lésions corporelles, des arbitres, la section des affaires sociales du TAQ, etc.

Mais au-delà de ça, quand un citoyen se présente devant la Commission d'accès pour contester la décision d'un organisme public, il se représente lui-même en tant que demandeur de documents. Qu'il soit journaliste ou arpenteur-géomètre ne change rien à l'affaire.

Évidemment, le journaliste va ultérieurement publier l'information obtenue dans son média. Mais ce n'est pas pertinent. C'est lui qui demande les documents, pas son entreprise.

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Depuis des années, des journalistes vont contester eux-mêmes le refus des organismes publics de donner des documents. S'il fallait que, chaque fois, on paie un avocat, les contestations cesseraient immédiatement à cause des coûts. Ça ferait l'affaire de bien des organismes, évidemment. Mais si on a garanti l'accès aux documents, c'est précisément pour favoriser la transparence.

Rompant avec des années de tradition, la commissaire Christiane Contant a donné raison à Hydro dans une décision en décembre, et une autre fois en mars.

Résultat? Les journalistes se font maintenant tous dire qu'ils doivent être représentés par avocat, sinon le dossier est fermé. C'est totalement absurde et contraire à l'esprit de la loi, qui est censée favoriser l'accès, pas le limiter. Évidemment, en attendant que ces décisions soient contestées en appel, on peut toujours cacher le fait qu'on est journaliste et se «déguiser» en citoyen...

Cette décision ne tient pas compte non plus de la réalité du marché du travail. Un journaliste pigiste, par exemple, n'est employé par aucune entreprise. Il peut vendre un texte à un magazine après avoir trouvé de l'information, par hypothèse. S'il se présente devant la Commission d'accès, il n'est pas un employé, simplement un citoyen. Donc, il peut s'y présenter sans avocat.

Ces distinctions (employé, non-employé) ne tiennent donc pas la route et sont de pures avocasseries destinées à fermer un peu plus l'accès.

La loi, au contraire, devrait être généreuse. Et ceux qui l'appliquent devraient revenir à sa raison d'être: savoir ce qui se passe dans la machine gouvernementale, aider le public à le comprendre, forcer les responsables à justifier leur administration.

Enfin, on croyait que c'était le but...