Au total, la FTQ-Construction a moins rétabli les faits que servi un avertissement à un peu tout le monde: on ne se laissera pas faire.

Richard Goyette, directeur général du syndicat, a attaqué les médias, bien sûr, et quelques commentateurs. J'espère qu'il ne fait pas entrer l'économiste Pierre Fortin, chercheur hautement respecté, dans la catégorie des «clowns».

Politiquement, ce qui est peut-être le plus frappant, c'est de voir M. Goyette attaquer de front le Parti québécois.

S'il y en a qui veulent jouer des games» électorales sur le dos de la FTQ-Construction, on ne se laissera pas faire, a dit M. Goyette après avoir cité des courriels du député péquiste François Rebello. Le message est clair.

Décidément, la rupture est consommée entre le PQ et le milieu syndical.

Après les déclarations de Pauline Marois, cet hiver, selon lesquelles les syndicats de la fonction publique sont trop gourmands, après ce conseil de la fin de semaine où il a été question de «création de richesse» et où on a largué le groupuscule de gauche SPQ-Libre sans la moindre bagarre, on peut dire que le PQ renonce à sa vieille alliance.

***

Revenons à la FTQ-Construction. Les médias ont leurs torts, leurs généralisations, leurs précipitations et leurs exagérations, sans doute. Couvrent-ils suffisamment les accidents du travail (50 morts au Québec l'an dernier)? Peut-être que non.

Mais voyez comment la FTQ a réagi l'an dernier après les révélations sur les dépenses extravagantes de son ex-directeur général Jocelyn Dupuis et ses liens avec des gens du milieu criminel. On s'est mis à accuser le dénonciateur, Ken Pereira. Hier encore, M. Goyette nous a dit que, depuis deux ans, ce dirigeant syndical n'a pas fait ses rapports de cotisations.

Ce qu'il a trouvé ne doit pas être si farfelu puisque la Sûreté du Québec a conclu que les dépenses de M. Dupuis constituaient une fraude et qu'il y avait eu en plus fabrication de faux pour couvrir l'affaire.

C'est tout de même cet homme, Pereira, qui a permis de mettre au jour un cas de gaspillage sérieux, assez en tout cas pour qu'on congédie Jocelyn Dupuis et qu'on l'accuse maintenant devant la cour criminelle.

À entendre M. Goyette, on a l'impression que c'est le dénonciateur qui est le plus blâmable des deux.

Yves Mercure, nouveau président du syndicat, a nié avoir quoi que ce soit à se reprocher. Il n'est accusé de rien, mais Dupuis, lui, est accusé d'avoir tenté de l'avantager en essayant de faire fabriquer une fausse facture de 11 000$ pour rembourser des rénovations - sans succès. Vrai, Dupuis est encore présumé innocent. Et même s'il est coupable, ça n'incrimine aucunement M. Mercure. S'il y avait preuve de sa complicité, il serait accusé lui aussi. Mais le fait est que la dénonciation criminelle, publique, mentionne son nom.

J'accepte les explications de M. Mercure, mais il peut difficilement reprocher aux médias de s'interroger sur son syndicat. J'ai grand-peine à croire que Jocelyn Dupuis n'ait «dérapé» que pendant un an, question dépenses. Et encore plus de difficulté à comprendre comment il se fait que personne ne s'en soit offusqué. Y avait-il un laisser-faire ou un système?

Pour ce qui est de la Gaspésia, le syndicat continue à dénoncer le rapport du juge Robert Lesage (2005). Ils lui reprochent de ne pas avoir entendu tous les témoins - ce serait fait dans une commission sur la construction! Hier, à Maisonneuve en direct, à Radio-Canada, l'ex-PDG de Tembec, Frank Dottori, a donné un autre éclairage. Surtout, il a glissé qu'il serait temps que le Québec s'interroge sérieusement sur le dysfonctionnement de ses grands chantiers.

Pour ce qui est de la Côte-Nord, des enquêtes sont ouvertes sur les allégations d'intimidation et autres. M. Goyette nous dit, si je comprends bien, qu'au pire ce ne seraient que des incidents isolés.

Mais quand il y a trop d'incidents isolés exposés en vrac, on a lieu de craindre d'être en face d'un système et de chercher à le voir exposé. Il n'y a rien de clownesque là-dedans.