Que des lecteurs soient fâchés contre La Presse parce que Gérald Tremblay s'y est fait éreinter régulièrement depuis un an, ça me va.

Que le maire attaque La Presse, ça se conçoit.

Mais d'entendre un Simon Durivage, à RDI, dire lundi que, en tout cas, «c'est clair que La Presse a perdu ses élections», je ne le prends pas. Laissez ces cheap shots à Mme Liza Frulla, collègue. On sait qu'elle les a gagnées, ses élections, et son conjoint aussi, vu qu'il est conseiller du maire.

 

Si André Noël n'avait pas fait enquête sur la SHDM et les compteurs d'eau, il n'y aurait même pas eu de rapports du vérificateur général de la Ville de Montréal.

Qu'ont dit ces rapports? Ils font la démonstration noir sur blanc de ce qu'a écrit Noël, mais aussi la collègue Lynda Gyulai, dans The Gazette, et Kathleen Lévesque, dans Le Devoir. Ajoutez ce qu'ont découvert Radio-Canada, RueFrontenac.com et TVA, et vous avez le portrait d'un pouvoir politique très malade.

Si écrire sans relâche sur la pourriture d'une administration, c'est être en campagne, alors nous avons été nombreux à l'être. Et fiers. Il n'y a pas à être neutre devant la corruption. Par la barbe d'Henri Bourassa, j'espère que c'est encore notre métier de «dénoncer les coquins»!

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Les a-t-on oubliés, ces rapports accablants? Dans les deux cas, on en a référé à la police. Deux rapports qui suggèrent ce qu'a affirmé Benoit Labonté: un système mafieux est en place à l'hôtel de ville, avec sa branche dans le financement du parti du maire.

Rien que ça!

Au printemps, bien des lecteurs trouvaient qu'on en beurrait épais sur l'administration Tremblay. Et le maire, qui jouait les vierges offensées, a défendu passionnément le contrat des compteurs d'eau.

En septembre, Pierre Maisonneuve a invité dans son studio de Radio-Canada l'éditeur adjoint de La Presse, Philippe Cantin, juste avant le rapport sur les compteurs d'eau. On venait de publier l'histoire sur le passé felquiste d'André Lavallée. «Est-ce que La Presse s'acharne sur l'administration Tremblay?» a demandé gravement l'animateur.

On pensera ce qu'on voudra de cette histoire. Mais ce n'est qu'une minuscule anecdote à côté de toutes les malversations que La Presse et les autres ont exposées au sujet de cette administration malade. Pas grave; le sujet, c'était «l'acharnement» de La Presse.

Décidément, le spin du maire-victime a fait recette.

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Ce sont des prix de journalisme qu'André Noël mérite pour ces enquêtes. Pensez-vous qu'il serait question de commission d'enquête sans ça? Pensez-vous que le ministre des Affaires municipales aurait convoqué le monde municipal à un grand ménage, lundi?

Pourtant, on a entendu Jean Lapierre pourfendre Noël à la radio, hier. Jean Lapierre qui donne des leçons de journalisme, c'est toujours intéressant!

Apparemment, M. Lapierre n'a pas aimé les questions qu'André Noël lui a posées lundi sur ses fréquentations. Il croit qu'André Noël veut dévoiler ses «sources». Il s'est même comparé à Daniel Leblanc, ce journaliste qui s'est rendu en Cour suprême pour protéger «MaChouette».

Rien que ça!

M. Lapierre se dit victime d'«intimidation». Et sans que Noël ait écrit une ligne, il l'a dénoncé pendant cinq minutes en ondes. Je ne sais pas qui intimide qui, mais je remarque que Jean Lapierre aussi, au fil des mois, a consacré beaucoup d'énergie à dénoncer les «exagérations» de La Presse, articles, manchettes ou chroniques de Michèle Ouimet. Il a été moins persistant pour rendre justice à l'essentiel du travail journalistique de Noël et des autres, et qui prouve ceci: cette administration municipale a été carrément pourrie.

Ce n'est quand même pas tous les jours qu'un maire congédie, en pleine campagne électorale, les numéros 1 et 2 de son administration!

Au mois de juin, le directeur de la Sûreté du Québec a confirmé officiellement la tenue de cinq enquêtes criminelles sur des allégations de corruption à Montréal.

Rien que ça!

Mais bon, il y en a pour qui le sujet le plus intéressant n'est pas la corruption municipale, mais la manière dont travaillent ceux qui l'ont dénoncée.

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De Pierre Foglia, je ne m'étonne pas de lire des lignes en forme de haussement d'épaules face aux scandales municipaux et aux tours de bateau. N'est-ce pas ainsi que se sont toujours fricotées les affaires et la politique, à Pompéi comme à Moscou? Sur la morale sexuelle et politique, le collègue Foglia demeure très français.

Ce qui l'indigne, c'est plutôt ceci: on a fait voter une vieille dame atteinte d'alzheimer, illustration de ce que le droit de vote serait devenu, au Québec, un «absolu frénétique».

Hé, Pierre, devine qui paye pour aller faire voter contre leur gré les vieilles dames perdues, les morts et les abstentionnistes bien intentionnés?

Ne sens-tu pas cette entêtante odeur d'asphalte?