La question vient d'être posée avec un témoin de Jéhovah, mais elle pourrait l'être avec n'importe qui: à quelles conditions un adolescent peut-il refuser des soins médicaux vitaux?

La semaine dernière, la Cour suprême a été appelée à trancher la cause d'une adolescente du Manitoba atteinte de la maladie de Crohn, une maladie chronique de l'intestin. L'enfant avait 14 ans et 10 mois à son arrivée à l'hôpital. Elle avait perdu du sang et les médecins recommandaient une transfusion.

L'adolescente étant témoin de Jéhovah, elle s'opposait à la transfusion. Trois psychiatres ont été convoqués à son chevet. Tous ont conclu qu'elle était pleinement consciente des risques pour sa santé: dommages aux organes internes et, éventuellement, la mort. Elle ne souffre d'aucune maladie psychiatrique. Elle n'obéit pas aux ordres de ses parents, c'est sa propre volonté, ont-ils dit unanimement.

La loi manitobaine permet aux adolescents de refuser des soins, mais à partir de 16 ans. Avant, on peut les forcer si c'est dans leur meilleur intérêt.

Un juge a ordonné les transfusions et l'adolescente a pris du mieux. Pour le principe, elle a néanmoins porté la décision en appel, et jusqu'en Cour suprême, où on vient de la maintenir.

On a évidemment invoqué la liberté de religion. Mais depuis un certain temps déjà les tribunaux refusent cet argument quand il s'agit de traitements vitaux pour un enfant.

Ici, c'était la liberté tout court de cette adolescente qui était en cause. Son autonomie, son droit de faire ce qu'elle veut de son corps. Sa sécurité également, puisque pour elle l'intrusion d'un sang étranger dans ses veines est inadmissible.

Il est insensé que la loi ne permette pas à une adolescente de démontrer qu'elle a la maturité requise pour prendre une décision aussi grave, même si elle n'a pas encore 16 ans, plaidait-elle.

Les juges de la Cour suprême ont rejeté l'argument à six contre un... mais pas tant que ça. Un groupe de quatre juges, menés par la juge Rosalie Abella, a dit que la loi est valide, mais qu'elle doit être interprétée pour permettre à l'adolescent de faire cette preuve.

Fort bien, mais elle a justement fait cette preuve, selon les experts. Alors de quel droit ne l'écouterait-on pas?

C'est le point de vue du juge Ian Binnie, seul dissident. La Charte, écrit-il, ne protège pas seulement ce que la majorité trouve judicieux. On n'a pas besoin d'une Charte pour protéger cette liberté-là. C'est aussi la liberté de refuser des soins parce qu'on estime qu'ils sont contraires à la volonté divine, quoi qu'en pensent les médecins, les juges et la société en général.

La question n'est donc pas ce qu'on fait de cette liberté... mais plutôt qui l'exerce et quand.

Le juge Binnie estime que la loi ne peut pas forcer une personne par ailleurs  mature» à subir un traitement.

Logique. Mais en ce qui me concerne, je me rangerais avec la juge en chef Beverley McLachlin: l'évaluation de la maturité est un exercice périlleux. Quand il est question de vie ou de mort, dans une situation tout de même urgente, on peut fort bien accepter que la loi fixe à 16 ans l'âge de cette maturité. Même si, comme pour la majorité, c'est arbitraire. L'État a le droit et la responsabilité de protéger les enfants et, pour cela, on peut accepter cette limite à l'autonomie individuelle.

Notons qu'au Québec, le Code civil fixe à 14 ans l'âge du consentement aux soins. On prévoit que l'établissement peut s'adresser aux tribunaux en cas de refus, mais la loi n'en dit pas tellement plus long. On peut imaginer toutes sortes de cas où un adolescent refuserait d'être soigné, pas seulement pour des raisons religieuses. Faut-il acquiescer automatiquement?

L'expérience suggère que, dans le doute, les tribunaux préfèrent se tromper du côté de la vie et de la santé de l'enfant que du côté de sa liberté.

Bon calcul.

Le laitier à cheval

Je quitte pour les vacances. Encore cette année, vous m'avez envoyé beaucoup de courriels. Merci. Encore cette année, je vous dis que je ne peux pas toujours répondre. Je vous lis, par contre.

Ainsi, Mme Vena, qui m'a écrit au sujet de ma chronique («Souvenirs en papier») où je comparais mes sentiments face à la lente disparition du papier journal à ceux des laitiers qui ont dû abandonner leur cheval au profit du camion.

«Mon père était laitier chez J.J. Joubert et le cheval était le meilleur travailleur d'une laiterie», dit-elle. En plus d'être docile et travaillant, par temps froid, il paraît que quand le laitier s'était un peu trop réchauffé au p'tit blanc (pas son père), le cheval retrouvait tout seul le chemin de la laiterie.

Je l'ignorais, madame, et peut-être que M. Joubert aussi, sans quoi il y aurait pensé à deux fois avant d'acheter un parc de camions. Résultat: il n'y a même plus de laitiers.

En tout cas.

Soyons optimiste: on met encore de la crème sur nos fraises. Quoi? Oui, je sais, je sais, c'est une sale saison pour les fraises. On se reprendra avec les bleuets d'Abitibi, qui annoncent la fin des vacances, quelque part en août.

D'ici là, bon été.