Pour faire changement, disons donc deux ou trois choses un peu encourageantes sur l'accès à la justice.

C'est sans doute le plus grave problème de la justice: elle coûte trop cher, même pour régler des problèmes simples.

Il y a tout de même des indices d'une évolution des mentalités et de la réalité.

Il y a deux semaines, le Barreau du Québec a annoncé la création de Pro Bono Québec (probonoquebec.ca). Les avocats qui agissent pro bono le font pour le bien public, gratuitement.

Depuis la création de l'Aide juridique, il y a 35 ans, cette vieille tradition semble avoir décliné au Québec. Il s'en fait toujours, mais c'est au gré des avocats et des bureaux. Au Canada anglais, et surtout aux États-Unis, on a structuré le concept et, dans certains bureaux, c'est une obligation. Le barreau américain estime que chaque avocat devrait consacrer au moins 50 heures par année à du travail pro bono.

Avec ce nouvel organisme, n'importe qui peut, moyennant 20 $, soumettre son cas à un comité qui décidera de donner le dossier à un avocat d'expérience. On a déjà en banque des engagements de 13 000 heures de la part de divers avocats au Québec.

Pour la première fois, donc, le Barreau crée une sorte d'obligation morale à ses membres, qui ont le monopole de la représentation des personnes devant les tribunaux, pour qu'ils contribuent à rendre des services juridiques pro bono. C'est déjà ça.

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La même journée, le bâtonnier Gérald R. Tremblay a annoncé le lancement d'un guide pour aider les gens à se représenter seuls devant les tribunaux. Oui, le barreau qui aide les gens sans avocat.

Il se passe quelque chose...

Année après année, on voit augmenter le nombre de personnes qui se présentent sans avocat devant la cour. En matière familiale, dans certains palais de justice, c'est dans une cause de divorce ou de garde d'enfants sur deux.

Au lieu de faire comme on l'a longtemps fait, c'est-à-dire passer le phénomène sous silence ou déplorer le choix (souvent forcé !) des gens qui ne se paient pas un avocat, cette fois, on en prend acte.

Le guide est publié par la Fondation du barreau et il est franchement très bien fait. Mais non, ce n'est pas un truc pour rabattre tout le monde vers les bureaux d'avocats. On vous dit comment chercher de la jurisprudence, on vous conseille sur la préparation, on vous explique toutes les étapes à suivre pour se représenter seul, on démystifie quelques termes du jargon juridique (du subpoena à l'affidavit)...

C'est gratuit et vous pouvez en faire la demande en vous rendant sur le site fondationdubarreau.qc.ca.

Autre site remarquable, qui répond à la plupart des interrogations juridiques courantes: Éducaloi (educaloi.qc.ca).

Que ce soit sur le moyen de contester une contravention, les droits de garde ou les droits des personnes âgées, on y trouve une information de haute qualité et écrite clairement.

L'accès à la justice commence par l'information juridique, et en voilà de la bonne.

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Tout cela est bien, mais évidemment insuffisant pour rendre la justice accessible au commun des justiciables. Que faut-il faire?

Il faut s'attaquer à ce qui coûte trop cher et qui, bien souvent, ne sert à rien. La paperasse, les interrogatoires superflus, les actes de procédure redondants... Tout ce qui fait que, si vous voulez réclamer 35 000$ pour une affaire banale (le maximum des petites créances étant de 7000$), vous courez le risque d'en dépenser le tiers... la moitié... ou la totalité en frais d'avocats.

Là où les juges gèrent les causes dès l'entrée, par la médiation ou en dirigeant le trafic judiciaire, on constate une surprenante diminution des coûts et des délais. C'est la voie de l'avenir... pas assez empruntée.

La semaine dernière, un peu dans cette veine, l'Assemblée nationale a adopté la Loi 9, «pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens aux débats publics».

C'est ce qu'on a appelé la loi contre les poursuites-bâillons. On pourra demander à un juge de rejeter d'emblée une poursuite faite dans le but de nuire et, éventuellement, de punir son auteur. Le but est de «favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques des parties». Qui est contre ça?

On se souvient du bruit qu'on fait quelques poursuites de sociétés contre des citoyens qui s'opposaient à leurs projets, ces dernières années. C'est l'inspiration de cette loi. Malheureusement, ce n'était que l'illustration de la facilité générale avec laquelle les gens qui en ont les moyens peuvent abuser de la procédure et écraser des opposants sans être punis.

En commission parlementaire, la ministre de la Justice du Québec, Kathleen Weil, a été incapable de fournir des données pour démontrer qu'il y a un problème particulier quant à la liberté d'expression des groupes de citoyens. Mais comme tout le monde est pour la vertu, l'opposition a voté avec enthousiasme et la loi a été adoptée.

Elle a du bon, mais il y a bien plus de gens ordinaires et anonymes qui sont écrasés par des actions en justice abusives ou qui sont incapables de redresser un abus que de groupes de citoyens bâillonnés.

Espérons donc qu'on saura donner un sens large à ces dispositions - qui ne visent pas que la protection de la participation au débat public, mais qui y font constamment référence.

Je serais cependant étonné qu'avec cette seule petite loi les tribunaux élargissent soudainement la notion d'abus: il faut en faire, de la procédure, pour réussir à «abuser» au sens de la loi...

Mais on a dit que cette chronique-ci ne serait pas méchante pour la justice, alors on va dire que ça ressemble à un progrès.