Un autre vendredi soir à l'aréna, un autre coach qui engueule un arbitre de 18 ans comme s'il venait d'égorger un enfant. Et envoye donc, grimpe sur le banc, claque la porte, hostie de câlisse, y a rien de trop de beau pour la jeunesse.

Un beau modèle.

L'arbitre, vous l'aurez deviné, n'a pas puni un joueur pee-wee de l'autre équipe pour quelque crime horrible comme avoir fait trébucher. Ou alors, il a trop puni un joueur de la sienne. Justice, il crie ton nom!

 

Et à la fin du match, ce coach (qui a des principes) refuse d'aller serrer la main des joueurs de 11 ans de l'autre équipe.

Un beau modèle, je vous dis.

L'exemple vient de haut, je veux dire plus haut dans l'aréna. Les parents en rajoutent. Ils hurlent à l'arbitre ou, dans les cas les plus subtils, l'abreuvent d'applaudissements sarcastiques.

Les parents? Il suffit de quelques-uns (ou quelques-unes) pour donner le ton. La foule est naturellement lâche et bête, toujours plus bête que la moyenne des individus qui la composent. Je le sais, j'ai souvent été dans une foule. Dès que vous en faites partie, elle vous aspire vers le plus bas commun dénominateur intellectuel. C'est la loi universelle de la gravitation des esprits humains rassemblés, dès qu'il y en a plus de quatre.

Depuis le temps que je fréquente les arénas, je n'ai presque rien appris sur le hockey. Par contre, j'ai compris un peu mieux l'importance du vote secret dans une démocratie.

À la fin de la partie, j'ai regardé ce jeune arbitre quitter la glace, encore invectivé par quelques parents en colère. Il était seul et droit avec son courage ordinaire d'un vendredi de février. Fait partie de la job...

Tout le monde a quitté pour vaquer à son reste de vendredi.

Aux nouvelles du soir, il était question de l'intimidation dans les écoles et de ce jeune «rejet» disparu depuis une semaine. Tous ces parents de hockey qui gueulaient à l'arbitre, n'en doutez pas, ont trouvé la chose épouvantable. Je les entends d'ici. Les jeunes d'aujourd'hui, ça n'a pas de bon sens... Il est temps que le gouvernement agisse...

J'avais un ami au secondaire qui avait cette très simple et très brave manière de se dresser devant la foule des élèves quand nous allions en mettre un peu trop pour rire d'untel, écarter tel autre. Vous savez, celui qui se lève pour ramener tout le monde à un peu de raison. Celui qui, sans forfanterie, de quelques mots bien sentis, fait remonter soudain l'humanité en chacun. Il est devenu avocat de la défense à l'Aide juridique, comme par hasard. J'ai pensé à lui tout d'un coup.

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Pourquoi diable laisser nos enfants jouer dans un tel environnement, me demanderez-vous? D'abord, ce n'est pas tous les jours comme ça, bien loin de là. Eh! Pas dans notre équipe!

Ensuite, au cas où vous ne le sauriez pas, les enfants ont un jugement avant d'avoir l'âge de voter. Ils sont bien avertis de la présence de l'imbécillité sur leur planète. Pas seulement au hockey, aviez-vous remarqué? C'est la vie. Ils trouvent ridicules les coachs de ce modèle-là et ils en rient.

Alors, ils se concentrent surtout sur l'essentiel et se fichent pas mal de la foule. Ils sont là pour le pur plaisir de jouer, de fabriquer des jeux avec d'autres. Les enfants font partie de cette étrange entité qui dépend de chacun et qui dépasse chacun: l'équipe. Il y a une force mystérieuse à l'oeuvre dans une équipe. Ils apprennent à perdre, à se relever, à faire un effort, à gagner parfois. C'est bien aussi, gagner.

Et quand tout est terminé, qu'on les voit les cheveux mouillés et les joues rouges, le test est facile à faire. S'ils sourient encore, c'est que tout le reste ne les atteint pas très gravement. Il en faudra pas mal plus pour les écoeurer du hockey.

Alors, vendredi prochain, dans quelque aréna d'un quelconque code régional, j'y serai probablement et tout ira mieux, j'en suis certain. Car l'humanité progresse...

Certes, j'ai lu comme vous dans le (très bon) dossier de La Presse cette histoire d'un parent de joueur junior qui trouvait que l'école prenait trop de place dans la vie de son fils et nuisait à son hockey. Mais même le junior majeur a changé et se préoccupe presque sérieusement des études. C'est dire!

Et puis, qu'a-t-on vu la semaine dernière? La renaissance du hockey dans les cégeps. En attendant d'abolir ou de réformer les parents, si on accroche quelques jeunes à l'école grâce à ça, ce sera une victoire.

L'humanité progresse, il y a des indices.

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