Samedi, rue Sainte-Catherine, des milliers de gens ont manifesté pour la paix, mais surtout «contre les attaques israéliennes à Gaza» et contre «les crimes de guerre d'Israël», selon l'invitation de Québec solidaire.

Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, y était pour dire notamment que «la rue doit donner de la force à la résolution de l'ONU» demandant le cessez-le-feu.Je suis bien d'accord avec l'application de cette résolution. Mais tant qu'à manifester pour la paix, peut-on au moins noter que, si Israël n'en a pas tenu compte, le Hamas l'a catégoriquement rejetée?

La résolution, en effet, ne vise pas qu'Israël. Elle exige également que le Hamas cesse de tirer des roquettes sur le territoire israélien. Et si on demande la fin du blocus, la résolution vise également le trafic d'armes vers l'organisation islamiste.

J'avoue que ça ferait de longues pancartes s'il fallait inscrire toutes les nuances nécessaires et les différents alinéas des résolutions du Conseil de sécurité.

Mais si c'est «la paix» qu'on recherche, on ne peut pas se contenter de critiquer les excès des attaques israéliennes. De l'autre côté de la frontière israélienne, à Gaza, un groupe qui s'appelle le Hamas, qui a pris le contrôle du territoire au moyen de combats qui ont failli virer à la guerre civile palestinienne, le Hamas, donc, ne reconnaît pas le droit d'Israël d'exister. Ses militants tirent des roquettes sur Israël. Qu'elles soient artisanales et qu'elles n'aient fait que trois morts ne change rien à ceci: elles visent des civils. Ce qui est évidemment indéfendable, mais qui est aussi un acte de guerre.

La résolution de l'ONU demandait que cela cesse. Le Hamas l'a rejetée. J'aimerais que la présidente de ma centrale syndicale et tous ceux qui veulent la paix, comme vous et moi, le déplorent, au moins.

La paix à long terme ne se fera pas sans qu'Israël fasse des compromis douloureux, notamment en démantelant d'autres colonies en Cisjordanie. Mais comment penser que cela puisse se faire avec un voisin qui jure votre extermination?

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La guerre est toujours jugée deux fois, dit le philosophe Michael Walzer 1. D'abord au moment de la déclencher, ensuite dans les moyens qu'on utilise.

Autrement dit, on examine les raisons de la guerre, on se demande si elle est juste ou non. Puis on s'interroge sur la manière dont elle est menée.

Il fut un temps pas si lointain dans l'histoire où l'on s'arrêtait à la première question. Si la cause de la guerre était juste, il fallait ensuite laisser parler les armes et s'accommoder des dégâts. Mais le vieil adage romain selon lequel le droit se tait quand les armes parlent n'a plus cours. Il y a depuis longtemps un droit de la guerre, mais aussi une morale de la guerre (Walzer y a contribué).

Comment, donc, juger cette nouvelle guerre israélo-palestinienne?

Ceux qui condamnent Israël insistent sur la disproportion des moyens utilisés par l'État hébreu; ceux qui défendent Israël insistent sur la légitimité de cette attaque, essentiellement un acte de légitime défense.

Dans ce cas précis, il me semble clair qu'Israël avait le droit de riposter à la reprise des attaques à la roquette. La première raison d'être d'un État est de protéger ses citoyens.

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Vient ensuite la deuxième question: par quels moyens? En 2006, quand Israël avait riposté aux tirs de roquettes du Hezbollah en attaquant le Liban, le Conseil de sécurité de l'ONU avait mis un mois à demander un cessez-le-feu. L'armée israélienne avait causé la dévastation dans tout le Liban Sud. Il me semblait, comme à bien d'autres, que cette riposte était gravement, tragiquement disproportionnée. Walzer avait cependant défendu l'action israélienne, ce qui en avait surpris plusieurs.

Dans le cas de Gaza, une fois admis le droit d'Israël de riposter, l'inégalité des forces est écrasante. Et la disproportion du nombre des victimes est choquante. Près de 900 Palestiniens morts, selon les services de santé de Gaza, dont 275 enfants; et une dizaine d'Israéliens, essentiellement des soldats. Cela commence à faire pas mal de victimes collatérales.

L'armée israélienne a envoyé une bombe tout près d'une école de Gaza gérée par l'ONU, faisant plus de 40 morts, dont plusieurs enfants. À plusieurs occasions, des civils ont été atteints par les bombardements.

On ajoute à cela qu'un million et demi d'êtres humains, sur cette bande de territoire grande comme les deux tiers de l'île de Montréal, vivent à peu près sans électricité, sans eau potable dans plusieurs endroits, sans pain maintenant, et qu'ils manquent de tout à cause du blocus.

En voyant qu'on appelle des réservistes de l'armée israélienne et qu'on prépare apparemment une troisième vague d'attaques, on ne peut qu'être profondément inquiet, pour tout de suite et pour l'avenir.

On est en train de fabriquer plus de haine et, sans doute, de futurs lanceurs de roquettes, de futures bombes humaines. Mais, tout aussi vrai, la paix demeurera inatteignable tant que le Hamas persistera dans cette voie suicidaire.

Tant qu'à manifester pour la paix, me semble qu'il faudrait au moins le dire.

1. Guerres justes et injustes, réédité en 2006, Folio.