Avant ce Bye Bye, je n'avais pas eu l'avantage d'entendre Jean-François Mercier. L'humoriste est mieux connu sous son nom de scène, «le gros cave».

Cela dit assez clairement son projet humoristique et, après l'avoir entendu hurler aux premières minutes de 2009, je le concède: il a atteint son objectif en toute transparence. Plus cave que ça, tu l'embauches dans un Bye Bye.

Permettez que je cite quelques extraits. Parlant de l'élection de Stephen Harper: «Lâchez pas, ma gang de consanguins du Canada anglais, pis continuez à l'élire, votre lobotomie à deux pattes!» Et d'ajouter, toujours en s'adressant au Canada anglais: «Pis toutes vos osties de villes plates où est-ce que toutes les bars ferment à 4h30!»

N'ayant pas étudié à l'école de l'humour, j'avoue que la fulgurance comique de ces traits m'a échappé. Cinq jours plus tard, je me pose toujours cette question de profane: c'est quoi, le gag?

Qu'importe: l'humour n'a peut-être plus besoin de faire rire. C'est peut-être une conception dépassée, allez savoir.

Observons tout de même que Radio-Canada, qui a fait des efforts considérables pour attirer toutes les familles devant l'écran de télé à ce moment précis, a institutionnalisé un nouveau type d'humour: l'humour enragé.

Ici, nul deuxième degré, nulle intention de dénoncer la bêtise du personnage qui profère des énormités. C'est l'énormité elle-même qui doit faire rire. Sur un ton agressif, sur un fond de ressentiment, c'est avec un bulldozer qu'on entre dans le vif du sujet... et dans le spectateur.

Tout le Bye Bye en était imprégné. Au mordant, on préfère la tronçonneuse. À la satire, on préfère l'insulte. Pas de niaisage. Vous voulez ridiculiser un candidat aux élections? Dites que c'est un fermier qui «mange de la marde». Vous voulez vous moquer de Denise Bombardier? Riez de son âge et dites qu'elle est «sèche».

Comique, non?

Mais je conviens que c'est une affaire de goût, alors supposons un instant que ce soit extrêmement drôle et parlons d'autre chose. Parlons de notre hypersensibilité culturelle à sens unique.

Ce que je me demande, c'est ce que nous, fiers Québécois, aurions dit si, à Toronto, un humoriste avait dit à notre sujet, à la télé d'État, le quart de ce qu'a dit Mercier. Nous qui avons l'immense avantage culturel d'avoir des bars qui ferment à 3h (ils ferment à 4h dans certains cas en Colombie-Britannique et en Ontario, au fait, comme quoi la civilisation progresse inexorablement).

Pas besoin de se le demander. La réponse est bien connue et amplement documentée. Nous serions apoplectiques. Il suffit de se rappeler comment nous avons hurlé quand l'animateur américain Conan O'Brien est venu faire des blagues au Carnaval de Québec, il y a deux ans. Ça s'est même rendu devant la Chambre des communes, où on a dénoncé l'utilisation des fonds publics (son émission était invitée au Canada).

Voulez-vous parler de Don Cherry? Des crises nationales qu'il provoque ici par ses niaiseries au sujet des joueurs de hockey québécois, lui qui est grassement payé par la société d'État?

Imaginez la grande émission de fin d'année de CBC, l'événement familial télévisuel par excellence, où un humoriste éructant viendrait parler des Québécois comme de consanguins et de leurs «osties de villes plates».

Hey, just joking!

Nous voyez-vous d'ici?

Mais ça passe à Radio-Canada, entre nous, alors j'imagine que c'est acceptable.

Peuvent bien rire de TQS et de TVA, après ça.

Suicide assisté

Comment justifier l'appel porté contre l'acquittement de Stéphan Dufour, cet homme d'Alma accusé d'avoir aidé son oncle à se suicider?

Le procureur de la poursuite reproche au juge du procès d'avoir limité l'acte criminel au soir où le jeune homme a installé un dispositif de pendaison. Le suicide a eu lieu 36 heures plus tard et aurait pu être empêché entre-temps. Donc l'infraction se poursuivait, de dire le procureur.

Est-ce que vraiment le jury aurait changé d'idée ? Allons donc. Tout le contexte lui a été présenté et il a eu (peut-on croire) un doute sur l'intention coupable de Dufour. C'est essentiellement une question de faits, et les faits sont du ressort du jury.

La poursuite reproche aussi au juge d'avoir admis comme preuve le témoignage d'un psychologue venu dire que l'accusé souffre d'un retard mental et est influençable à l'extrême. C'est pourtant une preuve très pertinente, souvent présentée dans les causes criminelles, et de nature à éclairer le jury sur l'intention de l'accusé.

Et au bout du compte, si jamais la Cour d'appel ordonne un nouveau procès, qu'aura-t-on accompli? Faudra-t-il le tenir à Québec, ou à Montréal, puisque tout le monde s'est fait une opinion au Saguenay? Et comment croire qu'un verdict différent sera obtenu?

Qu'on porte des accusations, cela se défend parfaitement. Mais quand 12 citoyens ordinaires ayant examiné le cas sérieusement ont parlé, sur une question aussi délicate, et avec ces faits très particuliers, le ministère public devrait simplement en prendre acte.

Cet acquittement n'ouvre nullement la porte à la légalisation du suicide assisté. Mais l'acharnement judiciaire malavisé, lui, peut relancer le débat et créer un effet boomerang.

Exactement le contraire de ce que recherche le Directeur des poursuites criminelles et pénales, à qui je souhaite de perdre cette cause le plus rapidement possible.

Mais à vous, lecteurs, je souhaite une très bonne année.