Jean Charest est tellement de bonne humeur qu'il nous a embarqués à La Ronde pour nous laisser au parc Safari.

Enfin, pas tout à fait: son autobus attendait à l'île Sainte-Hélène et nous a laissés à Huntingdon, pour une entrevue rebondissante à l'arrière de son bus.

 

Il n'arrête pas de dire qu'il est bien dans sa peau, qu'il n'a jamais été si bien. Il affiche un sourire permanent de tranquille satisfaction. Tout lui rebondit dessus, dirait-on. Vous lui balancez les problèmes de la Caisse de dépôt, les retards aux urgences, la crise à Ottawa, et ça fait «bong». Rien ne paraît l'embêter.

Tout lui rebondit dessus ou il fait tout rebondir, mais quoi qu'il en soit, Jean Charest a décidé de la jouer cool. Pas d'éclats, pas d'émoi. Il veut être l'homme de la rassurance, l'homme d'expérience, l'homme qui a appris.

Parce qu'il vous dira d'entrée qu'il a changé, surtout si vous notez qu'il n'a jamais été aussi populaire que depuis qu'il est minoritaire. La majorité parlementaire rendrait-elle arrogant?

«Au début (2003), je disais: j'ai un mandat. Mais j'ai réalisé que ce n'est pas assez. Il faut expliquer, réexpliquer.» Un exemple? Orford. Il a cru qu'il suffisait de trouver le projet bon pour l'imposer.

«Si j'ai fait 24 ans de politique, c'est parce que je suis capable de tirer des leçons», dit-il. Il a eu 50 ans le 24 juin et il en a effectivement passé la moitié en politique. Quand on lui demande s'il pense continuer longtemps, il répond en riant «au moins 30!»

Jean Charest a changé de personnage, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué. Il est devenu un fervent nationaliste québécois. Il dit des choses comme: «le Québec a une contribution unique à faire à l'humanité».

Il enchaîne sur le 400e de la ville de Québec, «un cadeau pour tout le Québec», de l'histoire «fantastique» du Québec, la fierté nationale, et il ajoute qu'«il n'y a pas de limite» aux ambitions du Québec.

«Il y a une tempête, mais tout ce qu'on fait en ce moment, on le fait pour après la tempête, pour se donner un élan».

Est-ce bien le même homme qui voulait «réinventer le Québec» et revoir le modèle québécois naguère?

Il ne parle plus de la même manière...

Quand on lui demande s'il est la réincarnation de Robert Bourassa, il fait rebondir encore. Il n'a pas de modèle, dit-il, mais bien des inspirations. Il n'est pas totalement indifférent, cela dit, que son entourage compte certains anciens conseillers de Bourassa.

Il a poussé l'art de la prudence et de la non-réponse un peu plus loin. Je lui fais remarquer qu'il a parlé de «droit à l'enfant», quand il a annoncé que l'État allait payer pour les tentatives de procréation assistée. Une telle chose n'existe pas en droit, puisque l'enfant n'est pas une chose. Personne n'y a droit.

Il évite de répéter l'expression. On a le droit de vouloir donner le plus de chances possible d'avoir des enfants, dit-il.

Les Premières Nations qui protestent contre son grand projet de développement du Nord? A-t-il négligé de les mettre dans le coup? Tous seront consultés, dit-il, ne vous en faites donc pas...

Quand il reproche à Mario Dumont sa «campagne de peur» auprès des personnes âgées, je lui fais remarquer qu'il a aussi fait des déclarations incendiaires sur la santé, les listes d'attente, en 2003. Nous avons dénoncé des situations mais pas délibérément versé dans les déclarations fausses, réplique-t-il, toujours aussi calme.

Il repousse les pièges du triomphalisme, se tient loin de ce qui se passe à Ottawa, fait le modeste et puis, tiens, nous voici rendus à destination sans que sa bonne humeur ne soit entamée.

Et ronronne le moteur de l'Orléans Express, et ronronne Jean Charest, en route vers une visite d'entreprise.

yves.boisvert@lapresse.ca