La première affiche du PQ que j'ai vue, après «Pauline», c'est celle du candidat Bertrand St-Arnaud. Ce n'est pas pour me vanter, mais je le connais!

Si, si, c'est un avocat criminaliste, on a à peu près le même âge, j'ai couvert certains de ses procès. Sympathique garçon que dans la vie j'appelle «Bertrand».

 

Tiens, que je me suis dit, Bertrand se présente à nouveau dans Chambly. C'était écrit en grosses lettres, d'ailleurs: «Bertrand».

Mais tous n'ont pas la chance d'avoir couvert les activités judiciaires. Ceux qui ne connaissent pas son nom de famille devront s'approcher avec une loupe de sa pancarte. Déjà qu'elle est un peu pâlotte.

Quel publicitaire a eu cette idée de génie? Tous les prénoms des candidats du PQ sont écrits en gros caractères et, en tout petit, si vous êtes à deux mètres de l'affiche, vous pourrez apercevoir leur nom de famille. C'est écrit tellement petit qu'on pourrait légalement le remplacer par un mot anglais. C'est dire.

À défaut de nous rapprocher du candidat, ça nous rapproche de son affiche.

Les publicitaires sont tellement en avance sur leur temps que c'en est vertigineux. Reste le problème de l'identification. Mario Dumont ne signe sur ses affiches que «Mario», comme s'il nous envoyait une carte. Mais depuis le temps, on le connaît. Mario, c'est Mario, n'est-ce pas?

François, par contre, ça dépend. «François», président de l'Assemblée nationale, se présente dans Abitibi-Ouest, tandis que «François», ex-ministre, se présente dans Rousseau. «François», quant à lui, se présente dans La Prairie. Et j'en passe.

On perd en individualité ce qu'on gagne en proximité.

C'est pratique, tout de même un nom de famille. Mais ça éloigne, indéniablement.

Comment conserver cette vibrante familiarité qui réchauffe le coeur de l'électeur déçu de la politique sans avoir recours au nom de famille, cette encombrante antiquité? Voilà le défi du publicitaire politique de notre siècle.

C'est vrai, tous les gens de pub vous le diront: l'électeur ne veut pas élire un législateur froid. Il veut trouver dans les élections un ami comme on en trouve dans les Jean Coutu. Il ne veut pas un technicien. Il veut un complice qui lui lance à la volée: «Hey, mon chum, viens prendre une bière, on va jaser de déséquilibre fiscal!»

T'sais veux dire?

Quoi faire, quoi faire, donc, pour demeurer proche, tout collé sur le citoyen-votant, mais en étant certain qu'il vous identifie clairement?

Je suggère pour la prochaine campagne d'utiliser un surnom sympathique autant qu'unique, qui serait le seul mot mis en évidence sur les affiches.

Un peu comme les motards, au fond, mais en évitant soigneusement les surnoms déjà pris, comme Bronco, Dum-Dum, Les Fesses, Mammouth, Pee-Wee, Marsouin, La Paille, Speady et, évidemment, le mémorable Pas Fiable.

Il faudrait opter pour un surnom plus neutre, mais qui sent bon la fraternité.

On verrait donc, en tout petit, le prénom et le nom de famille du candidat, et en très gros, son surnom. Ça donnerait «bertrand BERT st-arnaud», par exemple - ce n'est qu'un exemple et je précise que je ne suis pas assez familier avec le candidat pour connaître son surnom.

Et de loin, l'électeur ne verrait que ça: le surnom. En passant vite sur la route ne retiendrait que l'essentiel: «Votez Ti-Caye» ou «Réélisez Les Oreilles» ou «Choisissez Frisé». Les maniaques de politique pourraient toujours aller lire le nom et le prénom du candidat s'ils y tenaient absolument.

Et en voyant le candidat passer dans la rue, spontanément l'électeur se sentirait comme en famille. Et il lui crierait: Hey, Ti-Caye, c'est quoi ton nom, déjà?

Non, mais ce serait-tu pas sympathique rien qu'un peu, mesdames et messieurs?

Et tout cela nous réconcilierait durablement avec le monde politique, qu'on sentirait enfin tout près, tout près, tout près de nous.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca