Comme ça, vous ne voulez pas d'élections? On vous comprend, mais mettez vous à la place de Jean Charest un instant. A-t-il seulement le choix?

Il est en train de ramasser des feuilles dimanche matin en méditant sur les enjeux de l'économie mondiale et l'avenir du Québec quand un fidèle lieutenant l'appelle.

«L'heure est grave, monsieur le premier ministre.

- Que se passe-t-il, fidèle lieutenant?

- C'est le PQ... Pauline Marois...

- Qu'est-ce qu'elle a? Est-elle partie avec son prof d'anglais?

- Non... Elle... Ils... J'ai peine à le dire tant c'est horrible!

- Vas-tu cracher le morceau avant la fin de la chronique?

- Elle veut faire l'indépendance du Québec!

- Quoi? Mais c'est insensé, il faut faire quelque chose! Le PQ souverainiste! En pleine détresse boursière! Incroyable. J'en échappe mon râteau.

- C'est pourtant vrai, ils vont même publier un manifeste sur la souveraineté!

- Ô rage, ô désespoir, n'ai-je donc gouverné que pour cette infamie?

- Ce n'est pas tout, il y a Mario Dumont qui a prononcé le mot... le mot... vous m'excuserez, il a dit «constitution» !

- Ah, c'en est trop, il faut en appeler au peuple! Qu'on m'époussette sans délai le lieutenant-gouverneur!»

L'amour est plus fort que les motards

Le bunker des Hells de Sorel passe au feu, et aussitôt, les experts en motards sont en ondes pour nous dire, sur un ton grave, que la guerre des motards est sur le point de reprendre. Il faut dire que l'événement, spectaculaire, coïncidait avec le vol d'une tonne de dynamite en Gaspésie.

«Je ne veux faire peur à personne, mais l'ambiance en ce moment ressemble à celle qui régnait en 1992, quelque temps avant le début de la guerre des motards», a déclaré à La Presse un ex-policier sous le couvert de l'anonymat.

Une chance qu'il ne voulait pas nous faire peur!

«On vient de s'en prendre à l'institution, il risque donc d'y avoir des conséquences majeures», a opiné un auteur. Il a ajouté que les effectifs policiers avaient été réduits depuis les superprocès des Hells, et que l'événement était «un signal d'alarme pour les policiers et les politiciens».

Un coup des Bandidos? Représailles mafieuses?

Une autre source policière anonyme citée à la télé a lancé l'hypothèse que les Hells avaient eux-mêmes mis le feu à leur local... pour déménager sur la Rive-Nord. Méchante stratégie. Où est le Clan Panneton quand on en a besoin?

«C'est soit un groupe très bien organisé, soit quelqu'un de très stupide», a opiné sagement un expert.

Seul, ou presque, le criminologue Jean-Paul Brodeur a appelé à un peu de prudence: l'enquête commence, attendons quelques minutes avant de conclure, messieurs dames...

Et puis, samedi dans La Presse, André Cédilot nous apprend que les experts avaient tout faux. C'est une peine d'amour, une immense peine d'amour qui est à l'origine de l'incendie. Nul complot de trafiquants, nulle machination machiavélique, pas même un classique incendie pour des assurances. Seulement un homme trompé qui ne l'a pas pris, et qui a organisé une flamboyante revanche.

La guerre des Motards II est remise à plus tard.

L'information continue (mais tous les médias sont entraînés) bouffe du commentaire et de l'analyse avec une telle gourmandise qu'elle en devient franchement comique par grands bouts.

Censure au Devoir?

Par la barbe d'Henri Bourassa, la chose est-elle possible?

Alain-Robert Nadeau, qui a tenu pendant plusieurs années une excellente chronique sur le droit et la société dans Le Devoir, accuse le quotidien.

Nadeau vient de faire publier un recueil de ses textes (Propos sur la justice, Éditions Yvon Blais), qui contient aussi des entrevues, notamment une avec l'ancien juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer.

Le Devoir a d'ailleurs fait paraître en exclusivité, lundi, des extraits de cet entretien, d'abord publié dans le quotidien. Sauf que l'entrevue publiée en 2000 ne dit pas la même chose. L'auteur avait en effet accepté de soumettre le texte au juge Lamer, une pratique fort peu journalistique. Nadeau demandait au juge en chef ce que voulait dire la Cour en parlant de la nécessité d'une «majorité claire» à un référendum sur la sécession du Québec, dans le fameux renvoi de 1998. Dans le texte publié en 2000, le juge Lamer disait que, comme citoyen, il avait une opinion, mais «le jugement parle par lui-même» et il ne convient pas qu'un juge commente ses jugements.

Le hic, c'est que dans la version originale, corrigée par le juge Lamer, il disait qu'il faudrait à son avis 60% de Oui, ce qui est légèrement différent! «Cinquante pour cent, c'est dangereux; ce serait l'Irlande du Nord. Parce que, qu'est-ce que vous voulez, six mois plus tard, vous en avez 6, 7 ou 8% (des gens) qui n'en veulent plus (de la séparation).»

Ce n'est que l'opinion d'un des neuf juges sur un renvoi qui, lui-même, n'est qu'une opinion et pas un jugement. Mais en 2000, ces propos auraient été explosifs. L'auteur (à l'insu du Devoir, apparemment) a accepté de se faire corriger... On a au moins le bénéfice d'une entrevue posthume.

Quoi qu'il en soit, vous serez amusé de lire, à la page 135 du recueil, une chronique «censurée» par Le Devoir. C'est-à-dire jamais publiée, mais placée quelques heures sur le site internet avant d'être retirée.

Nadeau y mettait en opposition l'attitude du PQ sur le référendum comme moyen d'accession à la souveraineté et le référendum, purement consultatif, en matière de fusions municipales. C'est Stéphane Dion qui doit être heureux, écrivait-il, ajoutant que le processus de fusion «fait fi de la volonté populaire» et est «une résurgence de cet absolutisme royal qui prévalait au XVIIe siècle».

On voit mal ce qu'il y a d'impubliable là-dedans, à part de contredire la page éditoriale, mais je ne suis pas bien sûr que celui qui a décidé de publier en bonne place des extraits exclusifs de ce recueil dans Le Devoir ait lu la page 135...

courriel Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca