Bernie Ecclestone, le monarque de la Formule 1, n'est pas tellement différent des chefs d'autres entreprises mondialisées. Il a le choix du terrain. Il met ses Grands Prix aux enchères.

Ce n'est pas sympathique, surtout qu'il avait un contrat avec Normand Legault jusqu'en 2011. Et puis on aime tellement entendre que c'est une des courses chouchou du circuit.

 

Mais Bombardier n'agit pas de manière infiniment différente. Ni les fabricants d'aluminium ou les constructeurs de voitures. Combien avez-vous pour nous? Hum... L'Irlande nous offre ceci, l'Utah nous offre cela.

Vous vous rappelez? Le gouvernement du Québec nous a tous convaincus qu'il était parfaitement normal d'accorder à Bombardier le contrat du métro de Montréal sans appel d'offres. Il y avait urgence. Les retombées économiques à La Pocatière et Montréal étaient dans la balance. Quand est venu le temps de lancer la CSeries de Bombardier, la société a obtenu toute l'aide gouvernementale voulue.

On peut s'en plaindre, trouver cela immoral, mais ça ne changera pas grand-chose. On peut aussi refuser de jouer le jeu, en acceptant les conséquences économiques.

Les gouvernements occidentaux sont donc tous des victimes plus ou moins consentantes de ce chantage aux retombées économiques.

Dans le cas de la Formule 1, il n'est pas certain que la partie soit jouée. La manière est trop bizarre. Hier matin, Normand Legault vendait encore des billets pour le prochain Grand Prix. Puis vers 9h30, il n'y avait plus de Grand Prix de Montréal.

Et hier, en Europe, le patron du GP de Montréal négociait un arrangement de dernière minute.

Avec Bernie Ecclestone, on n'en serait pas à un bluff près. En 2003, il nous a fait le coup, en allant chercher 8 millions des gouvernements pour compenser l'interdiction des commandites du tabac. Tout semblait pourtant fini au mois d'août, quand la fin avait été annoncée.

Cette fois-ci, le coup arrive plus tard, plus brutalement, et Montréal a déjà son remplaçant au programme.

Mais tout se résume à une question d'argent. Plus précisément celle-ci: combien vaut, pour Montréal, le Québec, le Canada, le Grand Prix de Formule 1? Combien est-on prêt à payer pour des retombées de 75 millions et la fameuse visibilité? En taxes, impôts et publicité, combien cela vaut-il?

En ce moment, Normand Legault a le meilleur prix au monde: 12 millions de dollars canadiens pour un Grand Prix, c'est une aubaine. Les nouveaux GP asiatiques se vendent 50 millions. C'est 38 millions de plus. Et les infrastructures sont incomparables. Ça commence à faire cher de la retombée.

Certains nous font croire que Toyota, Honda, BMW et Mercedes ne laisseront pas disparaître le seul GP nord-américain, vu l'importance de ce marché. L'argument ne tient pas. La Formule 1 est inexistante dans les médias américains et ça n'empêche pas ces voitures de se vendre.

Ecclestone prend le risque de perdre des marchés locaux, et peut-être à long terme plus encore, mais son marché télévisuel, lui, s'agrandit. Attendez-vous à voir surgir des talents chinois, indiens, turcs soudainement.

Non, la seule chance de survie du Grand Prix, c'est l'argent. Et, comme partout ailleurs, c'est d'argent public qu'il est question.

Alors je répète la question: que vaut le Grand Prix de Formule 1? Probablement pas 38 millions de plus par année. Comme les Nordiques ne valaient pas ce que Marcel Aubut demandait, ni les Expos ce qu'ils exigeaient.

Mais il a une valeur, qu'on peut établir, et qu'il est intéressant de payer. Montréal a cette chance: Normand Legault n'a pas le meilleur prix au monde pour rien. C'est un fameux négociateur. S'il ne réussit pas, c'est qu'il n'y avait vraiment rien à faire, rien d'économiquement sensé, je veux dire.

Ce sera dommage, ce sera la fin d'une époque, ce sera même un autre symbole d'un lent mais sûr déplacement des pôles économiques vers l'Asie. Pas la fin du monde.

pour joindre notre chroniqueur yves.boisvert@lapresse.ca

400 000$

Location de l'île Notre-Dame

Plusieurs millions

Recettes fiscales

40 millions $

Chiffre d'affaires du Grand-Prix

du Canada

Nombreux emplois

22 employés à temps plein, 50 à temps partiel,

5000 temporaires durant le week-end