Où a été fabriquée la première voiture hybride au monde?

La question de Jack Layton a pris les journalistes de La Presse au dépourvu.

- Au Québec! dit le chef néo-démocrate en cognant sur la table. Par qui? Le doyen du département de génie de McGill, un ingénieur suisse et son père, Robert Layton.

Il nous explique que le moteur à essence alimente la batterie électrique.

 

Son père voulait construire une voiture écologique, mais les grands constructeurs n'étaient pas intéressés par son idée, en ce début des années 80. Il nous dit que son plan pour encourager la construction d'automobiles avant-gardistes au Canada n'est rien d'autre que la suite politique de cette idée.

«C'était le rêve de mon père!» dit-il, en pointant la bague qu'il porte au majeur droit. La bague est constituée de l'insigne de parlementaire de Robert Layton, député conservateur de Lachine de 1984 à 1993, dont deux ans comme ministre d'État aux Mines sous Brian Mulroney. Il est mort en 2002.

Un nuage passe dans ses yeux. Il se reprend rapidement. «Excusez mon émotion.»

Chez les Layton, l'engagement social et politique et les idées originales sont dans les gènes, pour ainsi dire. L'arrière-grand-père, Philip Layton, un Anglais débarqué au Canada en 1887, a milité pour les droits des aveugles. Lui-même aveugle, il a fondé une école qui porte aujourd'hui son nom, rue Sherbrooke, pour les enfants aveugles, la finançant en organisant des bazars et des collectes de fonds gigantesques.

Le grand-père, Gilbert Layton, était ministre de l'Union nationale de 1936 à 1938, quand il a claqué la porte du parti parce que Duplessis s'opposait à la conscription. Trente et un ans plus tard, c'est aussi sur une question de principe que Jack Layton, qui était à 20 ans sympathisant libéral, est devenu membre du NPD: il s'opposait aux mesures de guerre décrétées par Pierre Trudeau et a été séduit par Tommy Douglas, chef du NPD.

Le père de Jack, Robert Layton, était membre du PLC jusqu'en 1981, quand Trudeau a rapatrié la Constitution sans l'accord du Québec. Il a alors rejoint les conservateurs et est devenu député en 1984. Il a quitté la politique en 1993.

Pendant ce temps, Jack, qui avait déménagé à Toronto pour terminer son doctorat en sciences politiques, était déjà conseiller municipal. Il avait suffisamment fait parler de lui pour s'essayer à la mairie de Toronto, où il a été défait en 1991. Environnement, logement social, sans-abri, il était de tous les combats. On lui doit cette idée épatante de climatiser les édifices municipaux grâce aux eaux froides du lac Ontario.

Ça n'a pas été simple, mais ce n'était pas la première fois qu'un Layton se faisait dire qu'il avait une drôle d'idée

Quand il est devenu chef du NPD, en 2003, après un passage à la Fédération canadienne des municipalités, il est allé affronter un député libéral bien implanté, Dennis Mills, qu'il a battu en 2004.

Malgré cinq ans à la tête du NPD, Layton n'est vraiment pas bien connu. On s'est moqué de lui quand il a voulu se présenter comme une sorte de Barack Obama canadien, en début de campagne.

À lire les positions politiques des deux hommes, on est en effet forcé de constater que le NPD est plus proche des conservateurs canadiens que des démocrates américains, un parti qui a quitté le champ gauche depuis un moment déjà.

Et si on examine leur histoire personnelle, on ne voit pas non plus beaucoup de rapport entre M. Layton, élevé dans une famille bourgeoise de la banlieue de Montréal, et Barack Obama, qui a grandi dans un milieu modeste à Hawaii, fils d'un père kényan qui l'a abandonné à deux ans et d'une Blanche du Kansas.

Ils ne sont pas non plus exactement dans la même ligue d'orateurs.

Mais il y a ceci qui ne se dément pas, et qui lui permet de revendiquer une parenté politique avec le candidat démocrate: un long et indéfectible engagement social. De ses années d'université à McGill et à York, où il s'est battu pour du logement abordable, à ses engagements communautaires à Montréal brièvement, puis à Toronto pour l'essentiel, Layton n'a pas changé. S'il vient en vélo au parlement, ce n'est pas de la frime, il est comme ça depuis toujours. «Je militais pour des pistes cyclables avec Bob Silverman à Montréal en 1970!»

Il était vert bien avant qu'on puisse imaginer qu'un chef libéral se promènerait avec une casquette verte. Nul besoin de virer, dans son cas.

Et comme son père s'est intéressé à la technologie écologique, il a même le droit de pasticher Obama et de parler des «rêves de mon père».

Il n'y en a pas beaucoup pour croire qu'il peut atteindre le poste de premier ministre, même s'il améliore tranquillement le sort de son parti: il y avait 13 députés du NPD quand il en est devenu le chef. En 2004, 19 ont été élus. Puis 29 en 2006

Qu'importe. Il a sa réponse pour ceux qui pensent que c'est carrément impossible, et il nous la donne en souriant, bien entendu: les changements importants arrivent souvent grâce à des gens qui se sont fait dire que c'était impossible. Il veut être de cette famille-là.