On l'a dit et redit : c'est toujours une tâche difficile pour le chef du Parti québécois (PQ) de maintenir l'unité au sein de ses propres troupes, mais il est devenu, depuis quelques années, encore plus ardu de ramener les brebis souverainistes égarées. Et l'élection de Jean-François Lisée n'y changera rien, apparemment.

Durant la course à la direction du PQ, puis le soir de sa victoire, Jean-François Lisée a tendu la main aux groupes souverainistes éclatés en fragments épars dans l'orbite du PQ. Il est même allé plus loin que quiconque, offrant notamment à Québec solidaire (QS) de présenter un candidat commun dans l'élection partielle de Verdun.

En entrevue, en septembre, il avait affirmé : « Je suis prêt à leur laisser, à Québec solidaire, trois [circonscriptions] si on va en prendre plusieurs autres. » « C'est sûr qu'il y a du give and take là-dedans, avait-il ajouté. En 2015, j'ai été frappé d'entendre QS et ON [Option Nationale] dire qu'ils ne sont pas d'accord avec tout ce que disent le NPD ou les libéraux, mais que la priorité, c'était de se débarrasser de Harper. Maintenant, la priorité, c'est d'envoyer les libéraux dans l'opposition. »

La réponse de QS et d'ON, sèche, est tombée rapidement et la porte entrouverte s'est refermée sur ses doigts. 

Même un témoin de Jéhovah qui dérange une petite famille en sonnant à la porte pour apporter la bonne nouvelle au moment du repas reçoit généralement un accueil plus poli.

M. Lisée avait à peine terminé son discours de la victoire, vendredi soir à Lévis, que le chef d'Option nationale, Sol Zanetti, enterrait par voie de communiqué toute forme de collaboration avec un chef péquiste qui refuse de promettre un référendum au plus pressant. Le lendemain, M. Zanetti a affirmé que des « centaines » de militants péquistes avaient quitté le navire de M. Lisée pour se tourner vers ON, tout ça sur la base... d'une recrudescence d'achalandage sur la page internet de son parti.

J'ai assisté, dans le passé, à la colère et à la déception de militants de parti frustrés par l'élection d'un nouveau chef (Stéphane Dion, Parti libéral du Canada, 2006 ; Stephen Harper, Parti conservateur du Canada, 2004 ; dans une moindre mesure : Thomas Mulcair, Nouveau Parti démocratique, 2012), mais je n'ai rien vu de tel à Lévis.

Évidemment, le clan Cloutier était sous le choc, ce qui est normal, mais personne n'a parlé d'exode. Les partisans de Martine Ouellet étaient eux aussi déçus, mais avec un score de 16 %, leur candidate ne peut prétendre représenter un mouvement de fond au PQ.

Jean-François Lisée ne s'attendait à rien de la part d'ON (« Sol Zanetti va réclamer un référendum dans le premier mandat », m'avait-il dit en entrevue), mais la fermeture de QS est plus dommageable pour sa stratégie de réunification.

Dommageable et surprenante car avec le départ annoncé de Françoise David (et celui, possible, d'Amir Khadir), QS risque de perdre ses plumes aux prochaines élections.

Il faut dire que la sortie du député Pascal Bérubé, membre important de la garde rapprochée de M. Lisée, selon qui QS est un « flop assez monumental », n'aura pas aidé au rapprochement.

Autre fragment, non négligeable, à surveiller par le nouveau chef du PQ : le collectif Faut qu'on se parle (FQSP), ouvertement souverainiste, qui attire des milliers de personnes dans ses assemblées de cuisine, dans ses grandes rencontres et dans la banque de volontaires sur son site internet.

M. Lisée a lancé un appel à Jean-Martin Aussant, membre de FQSP, mais celui-ci a choisi de rester pour le moment un électron libre dans le mouvement souverainiste.

Le flirt identitaire de Jean-François Lisée explique en partie les réserves de nombreux groupes souverainistes dissociés du PQ à son endroit. 

Bonne nouvelle, toutefois, pour le nouveau chef du PQ : Jocelyn Desjardins, ex-président du Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ), un groupe fondé en 2011 pour favoriser la réunion des forces souverainistes, a décidé de se rallier derrière Jean-François Lisée. La priorité, écrit M. Desjardins dans une lettre ouverte, c'est de fédérer le mouvement pour battre les libéraux, même si, avoue-t-il, il a défendu depuis deux ans la stratégie référendaire de Martine Ouellet.

Il y va toutefois d'une mise en garde : « Je ne suis pas un amant des thèses identitaires. Se retrancher dans l'identitaire, c'est pour moi se refuser le combat indépendantiste, c'est se lancer dans la survivance, c'est accepter sa maigre pitance dans le pays des autres, c'est possiblement être prêt à s'arrêter en chemin alors que l'identité la plus forte qu'on ne puisse jamais donner à un peuple réside dans sa liberté. Lui seul ensuite a le contrôle sur ce qu'il est et l'idée qu'il se fait de lui-même. »

Le grand défi de Jean-François Lisée est là : réunir la famille souverainiste et rapatrier les caquistes sans toutefois effrayer les jeunes avec une stratégie identitaire trop dure.

Dans l'immédiat, notamment aujourd'hui avec le dévoilement de son cabinet fantôme, il fait face à un autre défi : souder un caucus au sein duquel il comptait beaucoup plus d'opposants que de partisans.

Alexandre Cloutier, invisible depuis sa défaite cuisante, se fera discret, mais ses disciples ont encore de travers dans la gorge les débordements de la campagne à la direction.

Ils ont aussi une dent contre Bernard Drainville, leur ex-collègue devenu animateur de radio à Québec, qui, disent-ils, s'est servi de son micro pour torpiller Alexandre Cloutier, son ex-rival dans la course de 2015, en disant, notamment, que ce dernier affirmait en privé être prêt à retourner à la pratique du droit.

« On devrait exiger que le salaire d'animateur de Bernard Drainville soit comptabilisé dans les dépenses électorales de la course à la direction de Jean-François Lisée », m'a glissé, amer, vendredi soir dernier un conseiller d'Alexandre Cloutier.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef d’Option nationale, Sol Zanetti, a enterré par voie de communiqué toute forme de collaboration avec un chef péquiste alors que Jean-François Lisée avait à peine terminé son discours de la victoire, vendredi soir à Lévis.