Il ne se passe pas une journée (que dis-je, pas une heure) dans cette campagne présidentielle américaine sans que Donald Trump nous gratifie d'une nouvelle déclaration débile, d'une nouvelle boulette ou sans qu'il perde un autre appui au sein de son propre parti.

Je crois bien que les collègues journalistes américains affectés à la couverture de cette campagne vont avoir besoin de longues vacances - et probablement aussi d'une thérapie - pour se remettre de ce spectacle inédit dans l'histoire politique américaine.

J'ai souvent été jaloux de ces collègues (en particulier en 2008) qui couvrent des campagnes autrement plus excitantes que les nôtres. Cette fois-ci, par contre, pas l'ombre d'un début de jalousie.

Les campagnes électorales sont souvent comparées à des cirques, mais avec Trump, on plonge en plein délire, dans un spectacle qui fait penser au fameux P.T. Barnum's Circus, cette compagnie qui fascinait les États-Unis au XIXe siècle avec un joyeux mélange de performances physiques, d'animaux savants, d'infirmes difformes et de femmes à barbe, mais aussi de canulars et de faux personnages, comme une vieille femme noire de 165 ans qui avait été, affirmait Barnum, l'infirmière de... George Washington. Du grand n'importe quoi, présenté dans une atmosphère grotesque et vaudevillesque. 

Pas étonnant que Trump ne se soit pas offusqué, en janvier dernier, de la comparaison entre sa campagne et les spectacles de P.T. Barnum. « Nous avons besoin d'un peu de P.T. Barnum parce que nous sommes en train de dessiner l'image de notre pays », avait-il déclaré à l'émission Meet the Press, grand-messe dominicale politico-médiatique.

Je ne suis pas psychologue, mais je dirais que Donald Trump est un narcissique qui croit que sa fortune lui permet les pires ignominies, si cela lui plaît, sans aucune considération pour la bienséance ou le bien commun. Vous remarquerez qu'il expose son manque d'« hygiène fiscal » avec la même indécence que ses travers sexuels, lorsqu'il dit, notamment, qu'il est très « brillant » parce qu'il ne paye pas d'impôts.

Ses commentaires de prédateur sexuel en rut, captés par un micro furtif en 2005, sont dégoûtants et ils ne font que confirmer son image de macho arriéré entretenu sciemment par de nombreuses déclarations publiques sur l'apparence, le caractère ou l'intelligence des femmes depuis qu'il a sauté dans l'arène politique.

Pour une fois, nous devrions nous réjouir d'être plus « drabes » que nos voisins américains. J'ai beau chercher dans le disque dur de ma mémoire, je ne trouve rien, chez nos politiciens mâles, qui s'approche d'un tel niveau de goujaterie.

De triste mémoire, il y a bien eu le défunt Rob Ford, qui avait dit devant les journalistes qu'il « avait suffisamment à manger à la maison » en faisant référence à sa femme (à revoir ici), mais l'ex-maire de Toronto s'est plus « illustré » par ses problèmes de drogue que par ses propos sexistes.

Il y a eu aussi ce bon vieux John Turner, l'ex-chef libéral aux mains baladeuses (un grand classique, ici), mais encore là, nous ne sommes pas dans les mêmes eaux trumpiennes.

Idem pour John Crosbie, ex-ministre conservateur sous Brian Mulroney, qui affichait son sexisme sans scrupule aux Communes, comme en fait foi cet échange avec Sheila Copps.

Je ne cherche certainement pas à banaliser les commentaires de nos mononcles, mais en matière de mépris des femmes, Donald Trump est dans une classe à part.

Nos parlements restent encore aujourd'hui, même si nous sommes en 2016, des lieux très masculins, mais j'ose croire que nous avons quelque peu évolué en matière de lutte contre le sexisme, la dévalorisation et la chosification des femmes.

Rappelez-vous la réaction rapide et sans équivoque de Justin Trudeau, qui a éjecté, en mars 2015, deux de ses députés soupçonnés d'inconduite sexuelle envers deux de leurs consoeurs néo-démocrates.

En matière de lutte contre le sexisme et le machisme, nos élus n'ont certainement rien à envier à la classe politique française, aux hommes politiques français, en fait, pris en flagrant délit de sexisme dans des documentaires et livres récents, dont Anthologie regrettable du machisme en politique, publié l'an dernier par l'ancienne secrétaire d'État Rama Yade, ainsi que dans une lettre dénonçant ces comportements signée par une quarantaine de femmes journalistes de l'Hexagone.

Il y a quelques années, une ministre française, Cécile Duflot, s'est avancée au micro à l'Assemblée nationale vêtue d'une robe bleue et s'est fait crier « Enlève les boutons ! » par des députés surexcités. Une autre ministre, Marisol Touraine, s'est déjà fait servir cette « blague » par un collègue : « Qu'est-ce qui dure le plus longtemps ? Une minute de fellation ou une minute de sodomie ? [...] Laisse-moi deux minutes et je t'explique ». Mme Touraine lui a balancé son verre d'eau dans la tronche.

Autre moment édifiant, en 1991 : Édith Cresson, nouvelle première ministre française s'avance au micro et entend ceci, d'un député : « Elle est bien roulée, tu crois qu'elle a une culotte ? » Édifiant.

Je ne dis pas que ce genre de machisme n'existe pas ici, chez nos élus, mais je n'ai recensé aucune grossièreté de cet acabit à Québec ou à Ottawa ces dernières années.

Nous ne sommes plus à l'époque où certaines jeunes journalistes québécoises femmes, en campagne électorale ou en tournée au Québec ou à l'étranger, devaient donner instruction à la réception de l'hôtel de ne transférer aucun appel à leur chambre, même pas ceux du premier ministre.