René Lévesque avait raison : le métier de politicien, c'est un « tue-monde ».

Je ne suis pas médecin et je laisserai aux pathologistes le soin d'expliquer les causes exactes de la mort de Sylvie Roy, qui aurait succombé à une hépatite aiguë, mais la disparition soudaine d'une femme aussi énergique d'à peine plus de 50 ans donne à penser que le rythme de vie effréné des députés y est peut-être, du moins en partie, pour quelque chose.

Bien sûr, tous les députés ne disparaissent pas prématurément à un âge où ils devraient jouir de leurs plus belles années, mais quiconque connaît un tant soit peu les exigences de ce métier sait à quel point il peut être taxant.

Sylvie Roy laisse à tous ceux qui l'ont connue le souvenir d'une battante, qui carburait à l'instinct (parfois un peu trop, même, me disait lundi un ancien conseiller de la CAQ) et à l'indignation devant les magouilles et le manque d'intégrité.

« Elle fonctionnait vraiment instinctivement et elle se trompait rarement sur les réactions des électeurs, mais on lui disait souvent qu'il fallait préparer ses sorties et ne pas toujours s'en remettre à l'instinct. Elle se plantait des fois à cause de ça, mais elle aura toujours été une bonne personne, intègre, ce qui n'est pas si fréquent en politique », dit ma source.

Dès le printemps 2009, soit 30 mois avant la création de la commission Charbonneau par le gouvernement Charest, Sylvie Roy talonnait tous les jours les libéraux sur des questions d'éthique et d'intégrité.

Elle a été la première et longtemps la seule élue de l'opposition à réclamer la tenue d'une enquête publique, une idée que plusieurs trouvaient ridicule ou simpliste.

Son acharnement aura été d'autant plus méritoire que Mme Roy n'était pas la plus douée en art oratoire. Parfois, ça sortait un peu carré, et les effets de toge des jouteurs parlementaires professionnels la faisaient mal paraître, mais elle a tenu son bout et s'est ainsi forgé une réputation de batailleuse intègre et près des électeurs.

Idem pour ses sorties publiques en faveur des droits des victimes. Ses interventions n'étaient pas toujours aussi finement ciselées que celles des meilleurs orateurs, mais elles avaient le mérite de sonner vrai. Récemment, elle prenait fait et cause pour les propriétaires d'armes à feu opposés au registre québécois, une position pas très politiquement correcte.

Après avoir siégé avec Mario Dumont et une poignée de députés de l'ADQ, elle a assuré dignement l'intérim à l'Assemblée nationale lors des moments les plus sombres de ce parti. Elle a rejoint, comme la majorité des adéquistes, la CAQ de François Legault, mais ses relations avec ce nouveau chef venu du PQ n'ont jamais été bonnes, dit-on.

Elle a claqué la porte il y a un an, préférant siéger comme députée indépendante. À son départ, François Legault avait parlé de « drame humain », et non de différends politiques et il avait laissé entendre que Mme Roy avait des problèmes de comportement (assiduité et ponctualité, notamment). Plusieurs y avaient vu une attaque personnelle, à commencer par Sylvie Roy, qui avait qualifié de « mesquine » la sortie de son ancien chef.

Diplomate, Mario Dumont disait dimanche soir avoir entendu que Mme Roy n'était pas « utilisée à son plein potentiel ». Bel euphémisme.

En fait, Sylvie Roy n'a jamais accepté d'avoir été tassée des débats d'éthique et d'intégrité par Jacques Duchesneau, le candidat-vedette recruté en grande pompe par François Legault au début de la campagne électorale de 2012.

Après avoir porté seule le ballon d'une commission d'enquête publique sur le monde de la construction, voilà que Mme Roy avait dû laisser un autre prendre toute la place. Sans surprise, on dit que les relations entre Mme Roy et M. Duchesneau étaient aussi plutôt froides.

Dans l'entourage de François Legault, on disait que Sylvie Roy n'était pas « facile à gérer », un reproche qu'on fait souvent aux femmes en politique lorsque les relations tournent au vinaigre (Fatima Houda-Pépin, ça vous dit quelque chose ?), mais qui est plutôt vu comme un signe de caractère fort chez les politiciens mâles.

On disait aussi à la CAQ que Mme Roy s'était désintéressée de ce parti et de son chef après les élections de 2012. La réciproque est probablement tout aussi vraie.