Dimanche soir, Philippe Couillard sera sur le plateau de Déjà dimanche, l'émission estivale de Radio-Canada animée par Marie-Soleil Michon et Jean-Luc Mongrain ; mercredi, il participera à une séance de questions interactive avec Patrice Roy, à la même chaîne, en plus d'accorder d'autres entrevues de fin de session ; jeudi soir, il était au match de baseball entre les Capitales de Québec et une équipe de Cuba, où il a effectué le lancer protocolaire (il a manqué un peu de bras pour atteindre le marbre, dit-on) et quelques heures plus tôt, il a fait une rare sortie émotive à propos de cette absurde attaque mortelle d'un pitbull contre une Montréalaise de 55 ans.

Cette hyperactivité médiatique du premier ministre n'est pas seulement causée par l'excitation de la fin de session et l'approche des vacances, mais par un besoin pressant de casser son image d'élu froid et détaché.

En marketing, on appelle ça le « branding », la méthode qui consiste à façonner l'image d'un produit, de le rapprocher des consommateurs, de le rendre attirant et d'assurer sa pérennité sur le marché.

N'est-il pas un peu tard pour se lancer dans une telle opération ? La question, pour les stratèges libéraux, est plutôt de savoir s'ils peuvent changer durablement leur chef pour en faire un premier ministre plus empathique et plus près des électeurs. J'en doute. On ne change pas la nature profonde d'une personne comme on change de couleur de chemise.

On l'a écrit, dit et redit au cours des derniers mois : M. Couillard manque de chaleur. Il ne semble pas passionné par son travail et il répond de la même façon, monotone et rationnelle, peu importe le sujet.

Le premier ministre Couillard semble dénué d'intelligence émotionnelle, contrairement à Justin Trudeau, dont c'est la principale force et qui fait nécessairement ombrage aux autres leaders ternes et plus effacés.

Il faudra donc plus qu'une série d'apparitions publiques pour relancer le premier ministre, en perte de vitesse dans les sondages. Ses réactions, lentes et souvent mal avisées, sont autrement sérieuses, comme on l'a constaté, plus que jamais, au cours de la dernière session.

Commençons avec l'« affaire Hamad », qui a empoisonné la vie du gouvernement cette session. Dès le départ, et malgré des révélations troublantes sur les liens entre M. Hamad, Marc-Yvan Côté et l'entreprise Premier Tech, M. Couillard a défendu son ministre, jusqu'à ce que celui ait la mauvaise idée de se pousser en Floride en pleine crise. C'est la pression populaire, devenue trop forte, et non les faits reprochés à M. Hamad, qui a forcé la main du premier ministre. Il aura toutefois fallu un temps anormalement long avant que Philippe Couillard ne comprenne la gravité de la situation.

La vente de Rona à l'américaine Lowe's, dans des circonstances troubles, de même que les tergiversations du gouvernement dans le dossier Uber, auront par ailleurs agi comme deux sabots de Denver sur ce gouvernement incapable de se remettre en route.

M. Couillard a bien essayé le survoltage en procédant à un remaniement important dès le début de la session, puis en annonçant péremptoirement que, désormais, l'éducation était LA priorité de son gouvernement, mais les révélations de Robert Poëti sur le ministère des Transports auront eu le même effet qu'un tapis de clous. Encore là, les réactions et les réponses du premier ministre et de son ministre des Transports, Jacques Daoust, ont été lentes, confuses et faibles, notamment dans sa défense de la sous-ministre Dominique Savoie.

Ce qui dérange dans l'attitude du gouvernement, c'est qu'il semble tomber des nues, comme s'il n'avait jamais entendu parler des problèmes profondément enracinés au MTQ. Or, on sait que Robert Poëti avait fait rapport par écrit à son successeur, sans compter que la commission Charbonneau avait aussi maintes fois accroché le grelot.

M. Couillard promet maintenant un grand ménage, mais comment prendre au sérieux des gens qui ont volontairement poussé la poussière sous le tapis pendant si longtemps ?

Les libéraux n'ont pas seulement perdu la bataille politique cette session, ils ont perdu la bataille de l'opinion publique en échouant au test de la protection de l'intégrité des fonds et des institutions publics.

Cette impression que les libéraux n'ont pas vraiment changé et qu'ils tolèrent encore les pratiques douteuses (il a fallu une sortie publique du Directeur général des élections pour que le PLQ rembourse des dons irréguliers) cache les quelques bons coups du gouvernement au cours de cette session.

L'opération sauvetage de Bombardier a, contre toute attente, fonctionné ; le projet de train électrique piloté par la Caisse de dépôt a été (presque) unanimement bien accueilli ; de légers surplus budgétaires ont permis de réinvestir, en éducation notamment ; le projet de loi sur le registre des armes à feu a été adopté sans psychodrame et l'agence de cotation Standard & Poors a donné une bonne note au Québec.

Il faut dire que la faiblesse de certains ministres n'aide pas à rehausser la cote du gouvernement Couillard. Je pense évidemment à Jacques Daoust, mais aussi à Rita de Santis et Lucie Charlebois.

Le leader du gouvernement en chambre, Jean-Marc Fournier, n'aura pas beaucoup aidé la cause des libéraux non plus, en déclarant hier : « Nous sommes le gouvernement le plus transparent depuis des décennies. »

Tout est là, résumé en dix mots : arrogance, déni et profonde déconnexion avec la population.