Vendredi soir, la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis, a joyeusement dérapé en public, affirmant qu'une personne qui dénigre un enfant devrait « être tuée, massacrée, jetée, je ne sais pas où ». Rien que ça.

Et qu'en dit le premier ministre ? Rien.

Mme de Santis, qui est aussi ministre responsable de la Loi sur l'accès à l'information, a voulu corriger le tir après coup, disant que son expérience personnelle d'immigrante la rend très émotive. «  [...] J'ai dit deux mots que je n'aurais jamais dû dire [...] », a-t-elle déclaré, sans préciser lesquels.

Il y a un peu plus d'un mois, la même ministre de Santis a déclaré, sans rire, que les cibles de financement imposées aux ministres du gouvernement Charest et qui pouvaient atteindre 150 000 $ étaient des « peanuts » (comparé à ce qui se fait ailleurs, en Ontario, notamment).

Qu'a dit le premier ministre ? Rien.

La semaine dernière, l'ex-ministre des Transports Robert Poëti a lancé un immense pavé dans la petite mare tranquille du gouvernement libéral en révélant ce que tout le monde soupçonne depuis des années : ça ne tourne pas rond dans ce ministère.

Qu'a dit le premier ministre ? Rien. En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. Le premier jour, il a dit qu'il n'était au courant de rien, ajoutant quelques lieux communs sur la probité du gouvernement. Il en a profité pour vanter les qualités d'une sous-ministre qu'il allait démettre de ses fonctions le lendemain.

Rien vu, rien entendu, rien su, Philippe Couillard est aux abonnés absents, comme si ce genre d'histoires ne le concerne pas, comme si la cohésion des actions des réponses du gouvernement n'était pas sa responsabilité.

Remarquez, il a de qui tenir. L'aveuglement volontaire est une maladie répandue dans les hautes sphères libérales. Jean Charest ne savait apparemment rien des problèmes de corruption dans le monde de la construction et il n'avait pas lu le rapport Duchesneau, en 2011, un document qui semblait figurer très, très loin sur la liste de ses priorités.

À en juger par le ton badin du ministre Jacques Daoust, qui a expliqué à l'Assemblée nationale qu'un problème d'imprimante était à l'origine de la publication d'un rapport tronqué, le je-m'en-foutisme est contagieux chez les libéraux. L'imprimante ? Sans blague. Non mais, ne riez pas, a ajouté le ministre, ce n'est pas tout le monde qui est habile avec Word Perfect ! Cela explique peut-être le fait que le ministre Daoust ait fait si peu de cas de la lettre inquiétante laissée par Robert Poëti lors de sa rétrogradation.

Le système d'alarme au bureau du premier ministre était en panne aussi, encore une fois, lorsque Sam Hamad a été emporté par la tourmente Marc-Yvan Côté, en avril dernier. Encore là, rien vu, rien entendu, rien su. Le temps de réaction du premier ministre a été incompréhensiblement long et n'eût été cette très mauvaise idée de Sam Hamad d'aller se reposer en Floride, il serait peut-être encore « ministre temporairement relevé de ses fonctions » avec la pleine confiance du premier ministre.

Le premier ministre Couillard n'a jamais établi de relation directe ou chaleureuse avec les Québécois. Trop cartésien, il n'est pas du genre émotif.

Ce n'est pas trop grave tant que tout baigne, mais aux premiers problèmes, il semble distant, impassible, comme un employé qui « punche » à son usine matin et soir sans toutefois jamais se sentir vraiment concerné par la situation de l'entreprise pour laquelle il travaille. Un job comme un autre duquel le premier ministre se détache sans état d'âme tous les vendredis après-midi pour retourner dans ses terres, à Saint-Félicien.

C'est peut-être pour ça que Philippe Couillard aime bien se vanter de ne jamais lire les journaux, comme l'a rappelé récemment un collègue journaliste. Parfois The Economist, mais les journaux québécois, pfff, jamais il ne s'y abaisse. Il nous l'avait dit aussi, lors d'un repas de fin de campagne électorale en 2014 avec les médias, la veille de son élection. En fait, M. Couillard m'a déjà dit qu'il ne lit que des oeuvres historiques. Même pas de fiction.

Il nous avait aussi dit ce soir-là que le fait de devenir premier ministre ne l'empêcherait pas de retourner à Saint-Félicien la fin de semaine ou de pratiquer son activité préférée : la pêche à la mouche. « Y a pas un chrétien qui va m'empêcher d'aller à la pêche », avait-il lancé.

Garder une saine distance de son travail, c'est bien, même pour un premier ministre, mais il s'agit tout de même d'un poste qui demande un degré d'engagement supérieur à celui d'un gardien de sécurité dans un quart de nuit dans un endroit où il ne se passe jamais rien.

STÉPHANE DION, LES BLINDÉS ET RAIF BADAWI

Le ministre canadien des Affaires étrangères, Stéphane Dion, était à Jeddah, en Arabie saoudite, pour parler de lutte contre le terrorisme avec nos alliés arabes du Golfe.

La question de la vente, par le Canada, de blindés à ce régime opaque est évidemment revenue sur le tapis, d'autant que M. Dion a répété que le gouvernement Trudeau place le respect des droits de la personne au sommet de ses priorités.

Selon lui, le Canada a « le pouvoir de suspendre ou de révoquer "en tout temps" les licences d'exportation en cas de violations des droits en lien avec les équipements canadiens » (AFP).

Parlant de droits de la personne, il n'a pas été question de Raif Badawi. Faudra un jour que M. Dion me réexplique le concept de « conviction responsable ». Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris...