Il y a des chroniques qui s'écrivent toutes seules. C'est le cas, normalement, les jours de remaniement ministériel, riches en nouvelles, en surprises et en stratégies à analyser.

Cette fois, par contre, ça ne coule pas de source. Ce remaniement n'était pas attendu et il survient dans des circonstances difficiles.

On critique beaucoup nos élus (« on », ici, n'exclut pas, de toute évidence, la personne qui écrit !), mais ce sont des êtres humains qui, pour la très grande majorité, travaillent très fort en échange de peu de reconnaissance, qui sont intègres et dévoués.

C'est le cas de Pierre Moreau, un homme connu pour son ardeur au travail, pour sa grande capacité d'analyse et d'absorption des nouveaux dossiers, pour ses qualités de négociateur et qui, en plus, fait partie de l'élite parlementaire.

Au sein du gouvernement Couillard, il fait partie du premier trio, et ses collègues lui envient presque tous son aisance dans la joute politique et son affabilité.

On se doutait que la santé lui jouait des tours depuis qu'il a quitté l'Assemblée nationale en ambulance, le 28 janvier, jour de remaniement qui l'envoyait à l'Éducation, et un peu plus encore depuis son retour au boulot, la semaine dernière, après quelques jours de repos. N'empêche, son retrait de l'avant-scène pour suivre des traitements contre le cancer est tombé lundi comme une triste nouvelle. Permettez que je lui souhaite bon courage et sérénité pour la suite.

L'élan de solidarité des collègues de Pierre Moreau, toutes allégeances confondues, sur les réseaux sociaux, lundi après-midi, démontre bien qu'au-delà des batailles politiques, la classe politique est capable d'élévation.

Ce remaniement catastrophe n'était ni souhaité ni attendu, mais nonobstant les circonstances, il aura finalement donné un résultat plus intéressant et probablement plus porteur que le méga-remaniement de la fin du mois de janvier.

D'abord, la fusion Éducation (primaire et secondaire)-Famille-Sport et Loisir, des responsabilités confiées au nouveau député libéral Sébastien Proulx. Un cumul organique, logique, qui a pour préoccupation première les enfants, de la garderie jusqu'à la fin du secondaire, avec une attention particulière pour les activités physiques. Ça se tient.

À première vue, toutefois, ça fait beaucoup pour cette verte recrue, qui a siégé quelques mois à l'Assemblée nationale, en 2007 et 2008, sous les couleurs de l'Action démocratique du Québec de Mario Dumont. Leader parlementaire de l'opposition officielle adéquiste, M. Proulx avait rapidement démontré un talent inné pour la joute politique, mais de là à devenir l'un des ministres les plus importants maintenant, il y a tout de même un grand pas.

Avant de se présenter à l'élection partielle dans Jean-Talon (après le départ d'Yves Bolduc de la vie politique), Sébastien Proulx a travaillé comme conseiller quelques mois au bureau du premier ministre Couillard, où il a acquis une précieuse expérience sur plusieurs dossiers clés, notamment la réforme de la gouvernance scolaire (commissions scolaires). Père de deux jeunes enfants, il a une expérience pratique des garderies et des écoles primaires. Ça nous changera des grands bonzes sortis de leur tour d'ivoire universitaire.

Comme il hérite aussi du Sport et du Loisir, c'est lui qui déposera prochainement la nouvelle politique du sport du gouvernement du Québec, attendue depuis longtemps et « presque prête à être livrée », dit-on à Québec. Encore là, Éducation, Famille et Sport, c'est naturel.

On verra bien jusqu'où ira le gouvernement, mais un sportif militant connu, Pierre Lavoie, avait espoir il y a quelques mois de voir le gouvernement permettre aux entreprises d'utiliser une partie du 1 % consacré obligatoirement à la formation pour favoriser l'activité physique dans les milieux de travail.

Les principaux défis de Sébastien Proulx sont toutefois ailleurs : réforme des commissions scolaires et compressions dans les CPE, deux dossiers qui nécessiteront tact et persuasion.

M. Proulx devra aussi se méfier des tirs fraticides. En effet, plusieurs députés libéraux d'arrière-ban, qui rongent leur frein en silence depuis des années, ressentiront une certaine frustration en voyant un ancien adéquiste prendre du galon aussi rapidement, eux qui ont aussi assisté à l'ascension des caquistes Gaétan Barrette et Dominique Anglade.

L'atterrissage d'Hélène David à l'Enseignement supérieur, par contre, ne surprendra et n'indisposera personne. Depuis que Mme David s'est lancée en politique, c'est précisément là que tout le monde la voit. Une direction bicéphale à l'Éducation (primaire et secondaire d'un côté, postsecondaire de l'autre), une expérience tentée par Pauline Marois en 2012, mérite une seconde chance. Le grand défi de Mme David, qui vient du milieu universitaire, sera d'arriver à faire les bons arbitrages.

La nomination à la Culture de Luc Fortin, jeune député de Sherbrooke qui venait tout juste d'être nommé au Sport et au Loisir, est de prime abord plus surprenante. Dans l'entourage de Philippe Couillard, on explique que celui-ci tenait à nommer un jeune député et que Luc Fortin s'est illustré comme adjoint parlementaire de l'ex-ministre de la Culture Hélène David.

Depuis que Culture et Communications ont été fusionnées, en 1994, c'est la première fois qu'un gouvernement libéral nomme un homme à ce poste. C'est aussi la première fois que ce poste est confié à un député libéral de l'extérieur de Montréal. Détail important, puisque le ministre de la Culture est aussi responsable de la Charte de la langue française.