Le premier ministre Philippe Couillard et ses conseillers ont fait des efforts louables pour s'approcher de la parité hommes-femmes dans le nouveau cabinet présenté la semaine dernière, mais à 11 sur 28, on est encore loin du compte. Et on y restera tant que les partis politiques n'attaqueront pas le problème de la sous-représentation féminine à la base plutôt que de bricoler des Conseils des ministres à peu près égalitaires.

Le fameux « parce qu'on est en 2015 » de Justin Trudeau pesait lourd sur les épaules de M. Couillard. Le Québec, qui aime bien croire qu'il est en tête de la marche des forces progressistes au Canada, traîne de la patte au chapitre de la parité.

Lors du scrutin d'avril 2014, seul Québec solidaire a présenté 50 % de femmes dans les 125 circonscriptions du Québec. Le PQ, 37 %, le PLQ, 28 % et la CAQ, 23 %. Et faut-il encore voir où ces femmes ont atterri. Choisir des candidates, c'est une chose, leur offrir des circonscriptions « prenables », c'en est une autre. Vous pouvez retourner le problème dans tous les sens, vous arriverez toujours au même constat : le nombre (et forcément le pourcentage) de femmes élues au provincial, qui n'a jamais dépassé les 35 %, est en baisse depuis quelques élections au Québec. En ce moment, elles occupent à peine un quart des sièges à l'Assemblée nationale. Cela rend pratiquement impossible l'atteinte de la parité.

À Ottawa, le nombre d'élues libérales (50) a facilité l'atteinte de la parité par Justin Trudeau, mais le pourcentage de femmes candidates aux dernières élections fédérales n'est pas plus reluisant qu'au Québec (à peine 28 %).

L'arrivée de Dominique Anglade à l'Économie a eu le même effet de fraîcheur que la nomination, dans le gouvernement Trudeau, de Jody Wilson-Raybould à la Justice, mais en regardant au bas de la liste du cabinet, on a l'impression que Philippe Couillard a fait du remplissage pour préserver un certain équilibre genre/région.

Cela donne des femmes ministres au portefeuille léger, détaché du grand ensemble plus pour des raisons arithmétiques qu'organisationnelles.

Je comprends les Sylvie Bernier et les Pierre Lavoie de ce monde de se réjouir de la création d'un poste de ministre des Saines habitudes de vie. Je crois moi aussi que le gouvernement a un rôle à jouer dans la sensibilisation, en particulier auprès des jeunes, mais cela devrait déjà se faire par l'entremise du ministère de la Santé et celui de l'Éducation. Le fait est qu'on a bricolé ce nouveau ministère parce qu'il fallait caser Lucie Charlebois. Idem pour Francine Charbonneau (Aînés et Lutte contre l'intimidation) et Rita de Santis (Accès à l'information et Réforme des institutions démocratiques), qui héritent chacune d'un quart de ministère.

Le vrai débat sur la parité en politique ne se réglera pas sur une liste de remaniement ministériel, une fois tous les deux, trois ou quatre ans, mais lorsque les partis prendront l'engagement véritable et des mesures pour faire élire autant de femmes que d'hommes.

C'est ce qu'ont fait les partis politiques en Suède, où on retrouve 45 % de femmes au Parlement. Certains pays imposent même des quotas légaux aux partis politiques, mais il semble que le volontariat et l'engagement des partis en faveur de la parité donnent de meilleurs résultats. Question de volonté.

Peu de temps après avoir été élu chef du PLQ, au printemps 2013, Philippe Couillard a publié, à l'intention des militants de son parti, un document de 13 pages intitulé Pour un Parti libéral renouvelé. Il y parle de structures, de consultations des membres, de l'importance de la relève, de l'élection du chef, du programme politique et de l'horizon électoral, mais pas un seul mot sur le recrutement de femmes candidates au PLQ.

Les libéraux n'ont pas le monopole de la faible représentativité féminine. Le Parti québécois et la CAQ peinent aussi à faire élire des femmes. Dans le cas du PLQ, toutefois, les excuses sont plus difficiles à trouver puisqu'il dispose d'un bassin de circonscriptions acquises. 

En 2014, 25 députés libéraux ont été élus avec des majorités de 10 000 voix et plus. De ce nombre, on ne retrouve que 10 femmes. Parmi les 10 plus fortes majorités du PLQ (parfois jusqu'à 35 000 !), que deux députées. C'est sans compter les deux douzaines d'autres circonscriptions qui, sans donner aux libéraux des majorités aussi stratosphériques, restent, depuis des décennies, des châteaux forts rouges.

Bref, si le chef du PLQ donnait la directive claire de faire gagner des femmes, il ne suffirait que d'une élection ou deux pour que leur nombre augmente de façon substantielle. Ce n'est pas le cas du PQ ni de la CAQ (et certainement pas de QS), qui doivent batailler dans presque toutes les circonscriptions.

Par ailleurs, on réduit souvent la parité aux seuls Conseils des ministres. On peut aussi mesurer l'influence des femmes dans un gouvernement par leur place dans le personnel politique. Il y a la vitrine, mais il y a aussi l'arrière-boutique, tout aussi importante dans les jeux de pouvoir.

Le mantra « parce qu'on est en 2015 » ne semble pas, à cet égard, s'appliquer partout au sein du gouvernement Trudeau, qui compte 21 hommes pour 11 femmes aux postes clés de chefs de cabinet. Les femmes, par contre, sont plus nombreuses aux postes traditionnels d'attachés de presse : 20 femmes contre 14 hommes.

Le gouvernement Couillard pourra au moins se vanter de faire mieux à ce chapitre qu'Ottawa avec 17 femmes chefs de cabinet contre 12 hommes (avant le remaniement de jeudi).