Après plus de six mois de campagne, Pierre Céré a été obligé de jeter l'éponge parce qu'il lui manquait quelques milliers de dollars (7000 $) pour répondre aux exigences financières fixées par la direction du Parti québécois.

Il y aurait (cette info est toujours floue dans les partis politiques) en ce moment 70 000 membres au PQ. Il aurait donc suffi que 1 % de ces 70 000 personnes versent 10 $ à M. Céré pour qu'il puisse terminer sa campagne. Des peanuts. Dans un parti qui se dit social-démocrate, qui entretient des liens historiques avec les syndicats et qui prétend favoriser les débats d'idées, n'est-il pas étonnant qu'un militant de gauche, défenseur des travailleurs, des assistés sociaux et des gagne-petit comme Pierre Céré n'arrive pas à récolter le minimum dont il avait besoin en six mois de campagne ?

Oui, mais, direz-vous, il n'avait aucune chance de gagner. À quoi bon, alors ? La même chose pourrait être dite de l'immense majorité des courses à la direction des partis politiques. Pourtant, dans presque toutes les courses, des candidats négligés, parfois même marginaux, se présentent et font campagne. À quoi bon ? Pour les débats, évidemment. Pour les remises en question, pour les nouvelles idées, pour apporter du sang neuf et pour mettre le meneur à l'épreuve. Mais de tout ça, le Parti québécois ne veut pas.

Les couronnements sont rarement des signes de vitalité pour un parti politique. Et rarement gage de succès. Le plus souvent, c'est un raccourci qui conduit au même cul-de-sac.

Bien sûr, Pierre Céré n'avait aucune chance de gagner la présente course (il l'admettait lui-même), mais a-t-on seulement pris le temps d'écouter ce qu'il avait à dire ? A-t-on retenu ses qualités d'orateur ? Son engagement envers le modèle québécois ? Ses critiques envers certaines politiques passées du PQ ? J'en doute. Pourtant, dans certains dossiers - le développement régional, par exemple -, il était de loin le candidat le plus éloquent lors des débats.

Un jour, j'avais écrit dans une chronique que Pierre Céré était un inconnu. Avec humour, il m'avait écrit pour m'inviter à prendre un café, précisant qu'il gagnait à être connu. Il avait raison. Je dois dire que son aplomb dans les débats et la clarté de ses idées compensaient largement son manque de notoriété, dont il ne formalisait pas trop, d'ailleurs. Aucun complexe chez cet homme de conviction qui défend avec verve ses idées. Je doute qu'il ait un grand avenir dans un PQ dirigé par Pierre Karl Péladeau, mais ce parti ne deviendra pas plus fort en laissant partir ce genre de militant.

Lui, au moins, sera allé jusqu'au bout. Il aura tenté jusqu'à la dernière minute de faire valoir ses idées, contrairement à Bernard Drainville et à Jean-François Lisée, qui ont déposé les armes avant la fin de la bataille, convaincus que leur combat était vain.

En se retirant avant même le premier débat, Jean-François Lisée a privé le PQ de sa contribution intellectuelle, une perte sèche pour un parti qui a bien besoin, justement, d'un sérieux remue-méninges. Les adversaires de M. Lisée au poste de chef du PQ disaient que celui-ci avait du mal, lui aussi, à récolter dons et appuis. Peut-être, mais le constat qu'avait fait Jean-François Lisée pour expliquer sa sortie n'était pas faux : les militants du PQ veulent PKP. Point. Fin des émissions. La contribution de Jean-François Lisée, les péquistes n'en voulaient pas.

Bernard Drainville, lui, a mené une campagne dynamique, mais il est arrivé à la même conclusion : PKP est intouchable. Sans enthousiasme, il s'est rallié après s'être fait reprocher d'avoir osé critiquer le meneur. Encore là, pour le débat d'idées et la vitalité des échanges, on repassera.

Alexandre Cloutier a retenu l'attention, mais sa bonne tenue dans cette course s'explique davantage par sa personnalité que par le contenu de sa campagne.

Les militants péquistes trouvent Alexandre Cloutier jeune, enthousiaste et charmant, mais ont-ils retenu une seule de ses idées ou propositions ?

Quant à Martine Ouellet, elle n'a certainement pas obtenu l'écoute et l'estime qu'elle méritait dans cette course.

Ce parti, qui a subi une défaite historique il y a un peu plus d'un an, s'apprête à jeter son dévolu sur un autre sauveur, faisant du coup l'économie des débats essentiels sur son programme et ses orientations.

Le fait qu'on ait parlé davantage, dans cette campagne, du caractère et des sautes d'humeur du futur chef du Parti québécois en dit long sur le vide au département des idées. Et sur le peu d'appétit des militants pour les débats dans un parti jadis reconnu comme un incubateur d'idées progressistes et comme un défenseur de la social-démocratie sauce québécoise.