Yves Bolduc par-ci, Yves Bolduc par-là, l'ex-ministre de l'Éducation aura occupé beaucoup de place sur la scène politique québécoise au cours des 10 derniers mois, mais avant de tourner la page pour de bon sur ce fiasco, un petit rappel: qui l'avait nommé à ce poste crucial?

Philippe Couillard, évidemment. Et pourtant, l'avez-vous entendu exprimer le moindre regret, à part, peut-être, celui de voir son «ami» quitter la politique? Ne serait-ce que le regret d'avoir attendu vraiment trop longtemps pour mettre un terme à cette triste comédie? Non, bien sûr, un premier ministre ne peut reconnaître publiquement qu'il s'est trompé à ce point.

Le chef libéral ne pouvait savoir, direz-vous. Les premiers ministres ne sont pas infaillibles et ils peuvent se tromper. À l'inverse, si M. Bolduc était devenu un ministre de l'Éducation génial, nous aurions reconnu le pif de son chef.

Tout cela est vrai, mais dès le départ, les raisons qui ont poussé M. Couillard à nommer Yves Bolduc à l'Éducation étaient douteuses, pour ne pas dire plus.

M. Bolduc voulait la Santé, on ne lui a offert qu'un poste junior, sous le nouveau ministre en titre, Gaétan Barrette. M. Bolduc a tenu son bout et, craignant sans doute une démission fracassante dans les premiers jours de son gouvernement, M. Couillard lui a donné l'Éducation.

Le ministère de l'Éducation comme prix de consolation. Consternant. Qu'on ne vienne pas nous dire, après, que l'éducation est une priorité au Québec.

Remarquez, à la fin, Philippe Couillard a tout de même obtenu une démission fracassante avec, en prime, 10 mois de mouise.

Le passage d'Yves Bolduc me rappelle un peu celui du divertissant Maxime Bernier aux Affaires étrangères dans le gouvernement Harper. À la fin de cette farce, ce n'était pas tant la performance de M. Bernier qui était en cause que la décision de son chef de le nommer à ce poste névralgique.

Compétence et conviction

De Jean Rochon à Philippe Couillard, Yves Bolduc et Gaétan Barrette, il est devenu courant au Québec depuis 20 ans de nommer des médecins à la Santé. Ces ministres n'ont pas toujours eu la main heureuse, mais au moins, on ne pouvait pas dire qu'ils atterrissaient à la Santé comme un corps étranger sur la cornée. Ne serait-il pas judicieux de nommer à l'Éducation, deuxième ministère en importance pour le budget et, quant à moi, premier pour sa mission, quelqu'un qui s'y connaît au moins un peu, qui a des bases et une réputation valables dans le milieu?

En ce sens, l'arrivée de François Blais, un universitaire de carrière, est la première nouvelle encourageante en éducation au Québec depuis 10 mois. On jugera l'arbre à ses fruits, mais il est un produit de la filière éducation et on peut croire qu'il sera moins perdu que son prédécesseur. Soit, mais faudra-t-il qu'il ait, ce dont je doute, les coudées franches pour imposer sa vision de l'éducation.

À cet égard, l'épisode Bolduc, ses gaffes, sa sortie, occultent un problème plus profond: qu'a fait Yves Bolduc en 10 mois à l'Éducation, qu'a-t-il défendu? Quelles étaient ses priorités? En avait-il seulement, à part, bien sûr, celle de réduire dans les budgets de son ministère?

En ce sens, Yves Bolduc n'était pas seul. À part Pierre Paradis, qui a défendu publiquement les programmes financiers du gouvernement pour les agriculteurs, la plupart des autres ministres se comportent en bons petits soldats de la lutte contre le déficit, marchant tous au pas imposé par l'austère tambour du président du Conseil du trésor.

Bien sûr, solidarité ministérielle oblige, les ministres ne peuvent crier sur la place publique leur opposition aux coupes imposées par leur propre gouvernement, mais rien ne les oblige, constamment, à écraser leurs convictions sous leur servilité.

Un ministre doit parfois se battre pour sa «clientèle», comme on dit dans le milieu.

François Legault, au grand dam de ses anciens collègues du gouvernement Bouchard, l'a fait lorsqu'il était à l'Éducation; Denis Coderre l'a fait aussi aux Sports dans le gouvernement Chrétien (vexant aussi ses collègues au passage) et Stéphane Dion a tenu à bout de bras la conférence de Montréal sur le climat et arraché, in extremis, une entente dont ne voulait même pas vraiment son ancien chef, Paul Martin.

On retient d'eux, et de quelques autres, d'avoir su se tenir debout. D'Yves Bolduc, on retiendra tout autre chose.

(Re)passer à la caisse

Et rebelote, une autre prime controversée. Et vous pouvez parier que celle-là, il la gardera toute pour lui.

Qu'Yves Bolduc décide de toucher son allocation de «transition» (transition pour retourner pratiquer la médecine!), c'est navrant, mais encore là, le chef libéral porte une partie du blâme.

Le gouvernement Marois avait déposé un projet de loi visant à mettre fin à ces allocations pour les députés qui s'en allaient pendant leur mandat, mais les libéraux s'y étaient opposés. En octobre 2013, ils avaient aussi refusé d'appuyer une motion en ce sens: «Que les députés de la 40e législature s'engagent à renoncer à leur allocation de transition s'ils quittent durant le présent mandat à moins d'une raison médicale ou familiale.»

Depuis que Philippe Couillard est chef, ses anciens députés Emmanuel Dubourg, Raymond Bachand et Yves Bolduc sont partis avec la cagnotte après un départ volontaire.

Hier, M. Couillard a déclaré qu'il n'aimait pas cette pratique et qu'«elle doit cesser». Vraiment? Qu'attend-il alors pour déposer un projet de loi? Il pourrait même reprendre celui qu'avait laissé Bernard Drainville.