Le Bloc québécois est revenu dans l'actualité cette semaine, gracieuseté de Pierre Karl Péladeau, mais peut-il rentrer dans les bonnes grâces des électeurs?

À la lecture du plus récent sondage CROP-La Presse (et de la tendance qui se confirme depuis trois ans dans une série de sondages), il est permis d'en douter.

En fait, ce qui se dessine de plus en plus clairement dans le ciel politique québécois, c'est que l'orange du NPD est en train de remplacer le bleu du Bloc (d'où la référence à l'émission américaine Orange Is the New Black du titre de cette chronique, désolé pour jeu de mots en anglais, c'était trop tentant). Perçue, après les élections de mai 2011, comme un accident de parcours, la vague orange semble faire tache d'huile.

À moins d'un an des prochaines élections générales fédérales, le NPD se retrouve à la place longtemps occupée par le Bloc: en tête dans les intentions de vote des francophones et premier dans la plupart des régions du Québec.

Et comme c'était le cas pour le Bloc de 1993 à 2008, le principal adversaire du NPD est le Parti libéral, qui s'impose partout à l'ouest du boulevard Saint-Laurent. Selon toute vraisemblance, le PLC, ragaillardi par l'arrivée de Justin Trudeau, devrait reprendre plusieurs de ses sièges perdus aux mains du NPD dans les circonscriptions à forte concentration d'anglophones et d'allophones.

Que resterait-il, si ce scénario se concrétise, au Bloc? Vraisemblablement des miettes. À 14% dans l'ensemble du Québec et seulement 17% chez les francophones, le Bloc ne peut rêver à un grand retour pour le moment.

Le croisement des intentions de vote démontre, selon CROP, que plus d'un électeur péquiste sur trois voterait pour le NPD au fédéral, une proportion qui atteint plus de 60% chez les électeurs de Québec solidaire. Le Bloc comme agent rassembleur du vote souverainiste au fédéral n'est plus qu'une vue de l'esprit. Le NPD attire même 45% d'électeurs caquistes.

L'arrivée, hier, de la députée d'Ahuntsic Maria Mourani, ex-bloquiste, donnera encore un peu plus de crédibilité au NPD à Montréal.

Tout n'est pas rose pour le NPD, tant s'en faut. Si le ciel est dégagé au Québec, il paraît très sombre ailleurs au Canada. Pour tout dire, à plus ou moins 20% dans les intentions de vote, le NPD en arrache dans le ROC, en particulier en Ontario, pierre angulaire de la scène politique canadienne.

L'élection partielle de lundi dernier dans Whitby-Oshawa aura été une véritable douche froide pour les troupes de Thomas Mulcair. Bien sûr, le NPD ne se faisait aucune illusion sur cette circonscription détenue jusqu'à récemment par le défunt ministre des Finances, Jim Flaherty, mais avec un score de 9%, les néo-démocrates ont de quoi être inquiets. Dans l'entourage de Thomas Mulcair, qui avait d'ailleurs choisi d'aller à Terre-Neuve lundi soir pour être très loin de Whitby-Oshawa, on admet que le NPD ne peut espérer être concurrentiel aux prochaines élections avec un résultat aussi anémique. Ne pas gagner une circonscription, c'est une chose. Y être réduit au rôle de note en bas de page, c'en est une autre.

Les libéraux, eux, fondaient de grands espoirs sur Whitby-Oshawa (le chef Justin Trudeau était d'ailleurs dans cette circonscription, lundi soir, espérant une victoire). Il est manifeste que les libéraux ont repris du poil de la bête en Ontario et qu'ils siphonnent des votes au NPD, mais ce n'est pas dans la poche pour Justin Trudeau, lors des prochaines générales, le 19 octobre 2015.

Le PLC a repris beaucoup de terrain perdu, mais comme le disait Pat Burns, passer proche, c'est pas comme scorer. Les victoires morales, c'est bien connu, n'ont jamais donné de sièges au Parlement.

Depuis qu'il est chef du PLC (avril 2013), Justin Trudeau a vécu 11 élections partielles. Son parti en a gagné cinq, soit trois circonscriptions conservées et deux gains, l'un aux dépens des conservateurs (Labrador) et l'autre arraché au NPD (Trinity-Spadina, laissée vacante par le départ d'Olivia Chow).

Oubliez quatre circonscriptions imprenables en Alberta et au Manitoba. Il en reste deux (Brandon-Souris et Whitby-Oshawa) que le PLC aurait pu prendre, mais où il a échoué. Le PLC est comme une équipe de football qui remonte le terrain, amène le ballon à la ligne de 10, mais n'arrive pas à marquer le touché.

La victoire des conservateurs dans Whitby-Oshawa, lundi, a de quoi réjouir Stephen Harper. Elle lui confère même un léger avantage en vue des générales. Normalement, un parti au pouvoir depuis neuf ans perd ce genre d'élections partielles, qui servent souvent d'exutoire à un électorat frustré. Les partielles de fin de mandat servent à passer un message au gouvernement. Celui qu'a reçu M. Harper lundi, c'est que son parti est encore en bonne position pour gagner les prochaines élections.

D'autant plus que les conservateurs ont un atout dans leur manche: la bonification des prestations pour enfants annoncée récemment (60$ de plus par mois pour les enfants d'âge préscolaire et 60$ par mois pour les enfants de 5 à 17 ans) n'entrera vraisemblablement en vigueur qu'au prochain budget. Les parents pourraient donc recevoir un beau chèque du fédéral, rétroactif au 1er janvier, quelque part en juillet ou août, deux mois avant les élections.

Non, mais c'est-tu bien fait pareil, ces affaires-là!

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca