Montréal a déjà un pont de la Concorde, il aura bientôt celui de la discorde.

Sujet de préoccupation majeure dans la métropole, la construction d'un nouveau pont pour remplacer le vieillissant Champlain oppose Ottawa à Québec et à la Ville de Montréal depuis des années.

À un an de la prochaine campagne fédérale, il semblerait bien que ce projet puisse devenir un enjeu électoral crucial au Québec.

Le gouvernement conservateur, on le sait, veut un péage sur la nouvelle structure. Il lie même le financement du projet à l'instauration dudit péage. Autant le gouvernement Couillard que l'administration Coderre s'y opposent fermement.

À Ottawa, le NPD de Thomas Mulcair comme le PLC de Justin Trudeau rejettent aussi cette idée. Pour ces deux partis, qui ont des députés dans la grande région de Montréal et qui veulent les garder ou en ajouter aux prochaines élections, le péage est un enjeu électoral important.

Seulement voilà, des voix s'élèvent de plus en plus fréquemment dans le reste du Canada pour dénoncer la position du NPD et du PLC, une position purement électoraliste, disent certains. En gros, Thomas Mulcair et Justin Trudeau sont prêts à accorder un traitement de faveur au Québec juste pour gagner ou conserver des sièges.

Il y a quelques jours, un chroniqueur du National Post accusait carrément Thomas Mulcair de favoriser le Québec pour protéger ses sièges au détriment du principe d'égalité envers les autres provinces. Le genre d'arguments qui porte ailleurs au pays et que les conservateurs qui, eux, n'ont rien à perdre au Québec n'hésiteront pas à utiliser en campagne électorale. Le calcul est simple: responsabilité financière et équité contre favoritisme électoral. Les libéraux de Justin Trudeau, eux aussi opposés au péage, n'y échapperont pas.

Pour bien enfoncer le clou, le National Post a même publié un long texte d'un autre chroniqueur qui mettait en doute l'affirmation voulant que le pont Champlain soit le plus important ouvrage du genre au Canada. Pourtant, les chiffres (156 000 véhicules par jour) sont indiscutables. Comparer le pont Champlain au pont de la Confédération (reliant la Nouvelle-Écosse à l'Île-du-Prince-Édouard) n'est pas seulement boiteux, mais même risible.

«Québec bashing», penseront sans doute certains Québécois opposés au péage, mais la position du gouvernement Harper, relayée par le National Post, est-elle totalement dans le champ? En fait, je trouve qu'elle a plutôt le mérite d'être claire. Et cohérente. Ce qui n'est pas le cas de la position du NPD, qui dit vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre, tout en favorisant l'utilisation de l'auto (le plus souvent en mode solo) comme s'il s'agissait d'un droit constitutionnel.

Par ailleurs, Ottawa rappelle, avec raison, que les autres nouveaux ponts qui relèvent du fédéral ailleurs au pays ont aussi un péage et qu'il est normal qu'il en soit ainsi pour le nouveau pont Champlain. Jusque-là, je ne vois pas l'infamie dont on accuse le gouvernement Harper.

Ce n'est pas la première (ni la dernière) fois qu'il se fait de la politique autour du pont Champlain. Lors de la dernière campagne fédérale, au printemps 2011, le chef libéral, Michael Ignatieff, avait fait un détour par Brossard, circonscription jadis libérale, pour promettre la construction d'un nouveau pont Champlain dans les meilleurs délais. Sans péage et financé par le fonds d'infrastructures.

Au Québec, l'opposition au péage est répandue. Et électoralement payante. Hier, l'association péquiste de Saint-Jean a diffusé un communiqué pressant le gouvernement Couillard d'intervenir auprès d'Ottawa pour bloquer le péage.

«Les dernières statistiques montrent que si le futur pont Champlain est construit [avec péage], les familles à faible revenu feront un détour afin d'éviter de payer des frais qu'elles n'ont pas les moyens de se payer», lit-on dans le communiqué.

Vraiment? Avec le litre d'essence à près de 1,50$ et des bouchons partout, notamment à l'approche des ponts gratuits, les gens de Saint-Jean feront vraiment des détours pour éviter de payer 2$ de péage pour traverser un pont dégagé?

Si les partis politiques, autant à Québec qu'à Ottawa, veulent mêler pont, péage et politique, ils devraient s'intéresser à un vieux projet plein de bon sens, mais systématiquement repoussé sous le tapis depuis des années: le transfert au Québec de la compétence sur les ponts enjambant le Saint-Laurent.

Intransigeant sur la question du péage, le gouvernement Harper est plus qu'ouvert à l'idée de se départir de ses ponts.

Harper et Couillard à New York

Stephen Harper et Philippe Couillard seront tous deux à New York cette semaine, peut-être même physiquement dans le même immeuble, celui de l'ONU, le long du fleuve Hudson.

Les deux hommes ne se croiseront toutefois pas puisque M. Couillard participe à la conférence sur les changements climatiques, que boudera M. Harper.

Hier, la Banque mondiale a salué l'engagement d'un millier de grandes entreprises et de 73 pays à lutter contre les changements climatiques par l'instauration d'une taxe sur le carbone. Le Canada n'est pas du nombre, mais on retrouve, parmi les États et les provinces, le Québec, la Colombie-Britannique et l'Alberta.

Trois provinces (dont l'Alberta, gros producteur de pétrole) représentant près de 50% de la population parmi les leaders mondiaux contre les changements climatiques... sans leur gouvernement central.

Gênant...