Lorsque Pauline Marois a accepté de revenir aux affaires pour diriger le Parti québécois, en 2007, elle avait prévenu d'emblée ses militants: pas question de se retrouver de nouveau coincée dans la «maudite mécanique référendaire».

«Aucun peuple ne peut renoncer à la possibilité de devenir souverain, mais on ne parlera plus de la date ou de l'heure», avait prévenu Pauline Marois, le soir de son couronnement à la tête du PQ, en juin 2007.

Sur le site officiel du Parti québécois, on retrouve d'ailleurs ce passage: «Le 13 mai 2007, Pauline Marois annonce sa candidature à la direction du Parti québécois. Elle met de l'avant les orientations suivantes: remettre notre identité à l'avant-plan, réformer la social-démocratie, mettre l'accent sur la création de la richesse et mettre fin aux éternels débats sur la mécanique référendaire qui nous éloignent des raisons fortes de faire la souveraineté.»

Mme Marois, faut-il le rappeler, prenait alors le relais d'André Boisclair, souverainiste pragmatique peu pressé, qui avait néanmoins dû calmer la base militante en acceptant la formule du «référendum le plus tôt possible». Dans une déclaration surréaliste, M. Boisclair avait même avancé, pendant la campagne électorale de 2007, qu'un gouvernement péquiste pourrait tenir un référendum, même... minoritaire.

Ce qu'ils doivent dire, parfois, les chefs péquistes, pour ne pas tomber du mince filin sur lequel ils doivent traverser le ravin référendaire!

Le prédécesseur d'André Boisclair, Bernard Landry, avait lui aussi dû faire son numéro de funambule en 2005, quelques mois seulement avant le vote de confiance fatal qui allait mettre fin à sa carrière. Au début de cette année-là, il avait affirmé ne plus vouloir se faire «encarcaner» dans un échéancier contraignant. «J'ai réfléchi, m'avait-il dit en entrevue, j'ai pris ma décision: il n'est plus question de date pour le référendum, il n'est plus question non plus d'un référendum sur l'adoption d'une constitution ou d'un geste de rupture brutale avec Ottawa, comme le suggèrent certains militants. Nous revenons en quelque sorte aux conditions gagnantes ou à l'obligation morale de gagner le prochain référendum. Pour moi, ce sera un référendum dans le premier mandat, le plus tôt possible.»

Le souvenir de cette dernière décennie et, surtout, le choc de la débandade électorale d'avril dernier auraient dû guérir les leaders péquistes du «syndrome du calendrier», mais chassez le naturel et, c'est bien connu, il revient au galop.

À quelques jours d'intervalle, deux aspirants présumés au poste de chef ont énoncé publiquement leur plan vers un prochain référendum.

Pour Jean-François Lisée, il faut dire aux Québécois, un an avant le scrutin, s'il y aura ou non un référendum au cours du prochain mandat. À première vue, cela semble lever le voile d'ambiguïté qui a fait si mal au PQ aux dernières élections (selon M. Lisée, du moins), mais vous pouvez compter sur les péquistes pour compliquer l'affaire. Des heures de plaisir en congrès!

Par ailleurs, décider un an avant les élections de ne pas tenir de référendum, c'est se priver pour quatre ans de la possibilité de saisir une occasion qui peut toujours survenir au gré des crises politiques.

Jean-François Lisée cite l'exemple de René Lévesque, qui avait obtenu une majorité en 1981, en promettant de ne pas tenir de référendum. Voilà une référence bien étonnante. En 1981, après la rude défaite référendaire de 1980, René Lévesque n'avait pas le choix, et même si sa réélection fut éclatante, les années qui suivirent furent particulièrement sombres pour le PQ.

Ce que M. Lisée ne dit pas - il le sait pourtant fort bien -, c'est que le dernier chef péquiste élu à la tête d'un gouvernement majoritaire en promettant de tenir un référendum rapidement dans le premier mandat, c'est son ancien patron, Jacques Parizeau, il y aura tout juste 20 ans, demain.

De son côté, Bernard Drainville suggère de promettre un référendum, mais seulement dans un deuxième mandat. Les quatre premières années serviraient à préparer ce référendum, à mettre la table en quelque sorte. Il y a un os, me semble-t-il: pourquoi les électeurs donneraient-ils à leur gouvernement le mandat de préparer pendant quatre ans quelque chose dont ils ne veulent pas?

De Londres, où il est parti poursuivre sa carrière d'économiste, l'ancien député péquiste, puis ancien chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, s'est invité hier pour une rare fois dans le débat en publiant une lettre ouverte dans Le Devoir.

En lisant sa missive, je me suis rappelé pourquoi ses anciens collègues du caucus péquiste le trouvaient si brillant... mais aussi très chiant! Certains voient dans cette lettre un positionnement pour un éventuel retour de Jean-Martin Aussant, mais d'après ce que je retiens de nos échanges récents, la politique attendra encore un peu.

Cela dit, il met le doigt sur quelques bobos manifestes: la dispersion des forces souverainistes, le grenouillage au PQ (les «naufrageurs entourageux», écrit-il) et l'absence de renouveau.

Sur la question référendaire, Jean-Martin Aussant est certainement dans le camp des «pressés», mais sa proposition a le mérite d'être claire: on promet un référendum et on le tient rapidement si on est élu.

On retrouve aussi autre chose dans la lettre de M. Aussant, quelque chose qui manque pour le moment dans le discours de MM. Lisée et Drainville: des idées pour le Québec, des priorités pour un éventuel gouvernement du PQ.

Il est encore tôt dans la pré-course à la succession de Pauline Marois. Les candidats-chefs présenteront un jour leurs priorités sociales et économiques, mais pour le moment, le «syndrome du calendrier» occulte tout le reste.